Lassé de sa vie monotone de célibataire en mer, Jacob (le Néerlandais Gijs Naber) fait avec un ami le pari d’épouser la première femme qui franchira la porte d’entrée du café où ils sont installés. C’est Lizzy (Léa Seydoux) et elle accepte aussitôt. Cet homme est certain d’avoir tiré le bon numéro : elle est jolie, attirante, avec une grâce un peu hermétique. Tout de suite, la beauté est là et elle pourrait réenchanter sa vie, mais Jacob est trop soupçonneux, incapable de réaliser que, par une décision insensée, il a choisi la femme de sa vie.
Comment, pourquoi, un jour les choses déraillent-elles pour les enfermer chacun dans leur bulle où ils ruminent ?
Comment le bonheur des premiers jours pourrait-il redevenir possible ?
Lizzy a conservé ses amis d’avant leur mariage et elle les voit toujours. Ainsi, les histoires se répètent, marquées par la rencontre avec un ami d’antan (Louis Garrel) dont Jacob devient soudain jaloux, sans réelle raison.
Faisant preuve de rigueur et de minutie, ldiko Enyedi a un don singulier pour entretenir la tension ou semer le danger en filmant ce qui se trouve derrière l’apparence des mots et des gestes. Elle révèle le drame intime qui se love peu à peu dans le portrait de ces amours bêtement contrariées.
Aux yeux de son mari, la beauté avenante de Lizzy se change brusquement en une insolence terrible, ce qui provoque encore davantage sa jalousie. Elle l’affronte, il la confronte à sa morale et à son doute. Pour lui, elle reste opaque, inexpliquée dans ses comportements et ses réponses succinctes ou sibyllines aux multiples questions qu’il lui pose. En tant que mari, il cherche une interprétation logique afin de calmer sa jalousie insidieuse. Il l’aime quoiqu’il l’ait choisi par hasard.
Parfois dérisoires, divers épisodes de leur vie l’amènent à des interrogations infinies dont il ne peut se défaire. Et pourtant, on voit bien que Lizzy aime à sa manière l’homme qu’elle a accepté d’épouser. Elle se voudrait rassurante, mais ne fait qu’ajouter à l’inquiétude, la suspicion et même la jalousie de cet homme. Leur relation pourrait-elle être sauvée grâce à une vérité qu’elle refuse d’énoncer alors qu’il est submergé par ses tourments intérieurs ?
Avec la douceur de sa voix, la grâce de ses mouvements, son regard où se mêlent audace et timidité, Léa Seydoux est devenue une des figures féminines les plus marquantes du cinéma français, où elle incarne une force et une tranquille diversité, avec parfois un entêtant parfum de mystère, comme c’est le cas dans ce film.
Généralement primée, Ildiko Enyedi – Caméra d’Or pour « Mon XXe siècle », Ours d’Or pour « Corps et âme » - « Histoire de ma femme » n’a pas convaincu le jury du dernier Festival de Cannes branché sur des films d’une modernité plus apparente (n’oublions pas la Palme d’or remise à Julia Ducournau pour « Titane »). Alors que, d’une certaine manière, cette oeuvre vibrante et harmonieuse s’inscrit dans le registre « film d’époque », avec parquets cirés et costumes apprêtés de la Mitteleuropa des années 1920.
Caroline Boudet-Lefort