Troisième volet d’une trilogie, après « La Jalousie » (2013) et « L’ombre des femmes » (2015), le nouveau film de Philippe Garrel est également dans un noir et blanc charbonneux qui soulignent l’aspect sentimental des personnages et avec le même thème de l’infidélité, mais dans des circonstances différentes.
Un prof de philo (Eric Caravacca) vit avec une de ses étudiantes (Louise Chevillotte, véritable révélation !). Sa fille de l’âge de sa compagne vient vivre chez eux, suite à une séparation douloureuse. Aussitôt une amitié s’instaure entre les deux jeunes femmes. A la fin, le couple de la jeune fille en pleurs sera reformé, mais l’autre couple - le prof et son élève - sera détruit à cause de l’infidélité passagère de la jeune étudiante.
C’est pourtant une tromperie sans lendemain, une petite aventure « d’un jour » qui ne compte pas pour les hommes, mais inadmissible de la part d’une femme – manière de nier le désir féminin. La rencontre s’est faite grâce à la fille qui inconsciemment (voulait-elle faire l’amour par procuration ?) a provoqué les événements à venir (coucou Freud !).
Ce conte cruel, sur les fluctuations intimes et sentimentales, parle des schémas secrets enfouis au coeur des comportements amoureux et de la nécessaire expérience du malheur pour en apprendre un peu plus sur soi-même.
Des gros plans de visages soulignent la similitude, due sans doute à la même génération des deux jeunes femmes qui sont pourtant forts différentes, l’une romantique et fidèle, l’autre libertine.
Philippe Garrel est un cinéaste à part, un cinéaste secret, sans place dévolue parmi les grands réalisateurs. Véritable fantôme de notre jeunesse, il continue à nous offrir des films attachants, toujours modernes et actuels, mais s’inscrivant dans l’intemporalité par leur fond et par leur forme. Il montre la poésie brute d’un quotidien embelli par la qualité de la photo signée Renato Berta.
Le personnage de la fille qui trouve refuge chez son père - avec son chagrin d’amour si douloureux qu’elle a envie d’en finir avec la vie - est interprété par Esther Garrel, la plus jeune fille du réalisateur. On imagine d’autant plus l’aspect autobiographique de ce film bref (1 h 16) qui dit tout ce qu’il y a à dire sans nécessité d’y ajouter quoi que ce soit. Toute l’émotion essentielle est présente. Une émotion pure autour du désir et de ses enjeux avec ses dissimulations et ses mensonges.
Prix de la SACD de la Quinzaine des Réalisateurs (ex aequo avec « Un beau soleil intérieur » de Claire Denis), « L’amant d’un jour » est un des plus beaux films vus cette année au Festival de Cannes – sinon le plus beau ! Notre Palme d’Or. Mais il n’a rien d’ébouriffant, aussi un tel mérite ne pourrait être envisageable !
Caroline Boudet-Lefort