Après une ellipse, le spectateur le retrouve changé, avec un bronzage sain, un corps musclé. Devenu efficace et agile, il s’est organisé une vie sauvage qui lui convient parfaitement, s’étant construit sa propre maison à l’écart du reste du désastre, sans profiter des richesses abandonnées. Paisiblement, il élève des animaux pouvant aider à sa survie.
Sans lâcher l’acteur principal, Hans Löw, la caméra se complait dans de grands espaces d’une nature lumineuse.
Alors que le début de « In my room » était d’un réalisme cruel avec l’esthétique grise et démoralisante d’un quotidien guère folichon, l’évolution du film nous entraîne dans une fable rousseauiste grâce à la nouvelle vie d’Armin devenu une sorte de Robinson Crusoé d’aujourd’hui.
Finalement, celui-ci se complait bien dans une solitude qui ne l’effraie pas. Ne vivait-il pas déjà seul « in my room », cette chambre intérieure qu’il ne pouvait pas, qu’il ne savait pas, quitter ? Dans ce monde vidé de tous ses habitants, il jouit d’une liberté totale.
Cependant, c’est quand il n’y a plus personne autour de lui qu’Armin mesure l’importance de la présence de l’autre, de tout autre. C’est le manque qui donne de la valeur à l’altérité et au désir. Sans manque, il n’y a pas de désir.
Après des mois de solitude, réapparaît un jour, comme par miracle, une jeune femme (Elena Radonicich), vivante elle aussi.
Ils forment bientôt un couple. Adam et Eve auraient-ils rejoint le jardin d’Eden ? Ou voudraient-ils créer un nouveau monde ? La suite prouvera que ni l’un ni l’autre n’est au programme et qu’il n’est pas facile de changer de vie.
« In my room » est le quatrième long-métrage de l’Allemand Ulrich Köhler, compagnon à la ville de Maren Ade, dont, il y a deux ans, nous avions tant aimé « Toni Erdmann ». Ensemble, ils font partie d’une « nouvelle Ecole berlinoise ». Les précédents films de ce réalisateur promis au succès n’ont pas été distribués en France, aussi réjouissons-nous de la venue sur nos écrans de « In my room », film étrange et attachant – d’un fantastique paisible - où il est bon de se laisser porter. Chaque spectateur peut y avoir ses propres sensations.
Caroline Boudet-Lefort