Après une marche à contre-sens sur une autoroute, Jacques (Jean Dujardin), bizarrement vêtu d’un peignoir de bain et de pantoufles en tissu-éponge, parvient enfin chez sa soeur (Yolande Moreau), responsable d’un village d’Emmaüs dans le Sud Ouest de la France. On voit déjà l’absurdité de la situation et ce n’est que la mise en route !
Sa soeur au grand coeur tente d’intégrer ce frère, pas vu depuis des lustres, parmi l’équipe de bénévoles. Tous ont leur rôle dans cet univers de solidarité et d’entraide, alors que bien souvent ils sont d’anciens cadres ou viennent de professions libérales, mais, face à la férocité affairiste, ils ont pété les plombs, comme on dit, ne supportant plus cette course à la réussite sociale.
Et justement c’est cette réussite, la course au fric, que vise Jacques, interprété par un Jean Dujardin, toutes resplendissantes canines dehors pour montrer les dents longues d’un adepte de la France macronienne. Il déclare d’ailleurs chercher une idée de business pour « devenir riche, être dans le haut du panier de crabes et avoir sa loge à Roland Garros ».
Réduit à une fourmi parmi d’autres, il veut pourtant lancer une start-up de chirurgie esthétique au rabais, afin d’être un rentier pèpère style Zuckerberg.
Quoique sans illusions sur son état mental, sa soeur - toute en bienveillance inconditionnelle - fait en sorte qu’il réalise son rêve. Il s’ensuivra un périple jusqu’en Bulgarie avec une bande de « cabossés de la vie » dans un camion transformé en intérieur d’avion déglingué, puis en limousine grand style.
L’univers anarcho-poétique de Benoît Delépine et Gustave Kervern évolue en se politisant vers une idéologie anti-système. Tout en ironisant sur l’époque actuelle marquée par la violence économique, ils ne perdent rien de leur humour décalé et de leur bouffonnerie sans limites, passant d’un concours de crachats à un « hachis Parmentier revisité » ou à des cendres dispersées du haut d’une immense sculpture datant de l’ère soviétique.
Manquant parfois de subtilité dans son interprétation, Jean Dujardin caricature un peu trop son personnage, même si finalement cela fonctionne fort bien. Il a bien su s’adapter à l’ironie du cinéma déjanté de Kervern et Delépine et à jouer avec des non professionnels, de « vrais » bénévoles d’Emmaüs. Très bavard, le film évoque les comédies italiennes d’antan. Cependant les silences sont importants, surtout ceux de la formidable Yolande Moreau.
Le film se termine sur une hilarante pirouette. Espérons que les médias ne la divulgueront pas pour laisser à chaque spectateur l’occasion d’un joyeux éclat de rire !
Caroline Boudet-Lefort
« I feel good » a été présenté en avant-première le 13 septembre devant une salle archi comble, au Cinéma Rialto de Nice, en présence de Jean Dujardin.