Quoique d’origine bretonne, Gustave Kervern est né à l’île Maurice. Acteur et réalisateur, il a trouvé la notoriété avec l’émission Groland, sur Canal +, où il a interviewé les personnes rencontrées dans les bistrots au cours de soirées « arrosées ». Avec son compère du pays de Groland, Benoît Delèpine, il écrit et réalise plusieurs films : « Aaltra », « Avida », « Louise Michel », « Mammuth », « Le Grand soir », et enfin « Saint-Amour ». Il a pour projet un film sur les marginaux tourné dans un centre de chiffonniers d’Emmaüs vers Montpellier.
Gustave Kervern est venu à Nice pour présenter deux films, dont l’un, réalisé par sa femme Stéphanie Pillonca, est sorti récemment.
« Fleur de Tonnerre », S’inspirant d’un livre de Jean Teulé, Gustave Kervern en a fait lui-même l’adaptation. L’acteur a également animé un débat autour de sa dernière réalisation (avec Benoît Delépine évidemment) « Saint-Amour ». Bonne occasion de nous parler du tournage, rocambolesque semble-t-il ! Il a comparé la relation incontrôlable entre les deux principaux comédiens, Gérard Depardieu et Benoît Poelvoorde, à celle fortement complexe entre Werner Herzog et Klaus Kinski. Il garde d’ahurissants souvenirs de cuites, de complicité et de « déconnades » entre les deux acteurs devenus impossibles à diriger. À l’entendre évoquer le tournage, force est de constater qu’il ne souhaite jamais vivre à nouveau une expérience similaire. Il se remémore toutes les difficultés rencontrées pour mener à bout la réalisation de « Saint-Amour », aussi, s’il a encore des projets de films avec Depardieu ou Poelvoorde, ce ne sera plus jamais ensemble, dit-il, parlant de « ces imprévisibles comme deux enfants difficiles à gérer. Evidemment, c’est un film dionysiaque, un film sur le vin et l’alcool, mais ils ne s’agit pas de pochetrons... »
SAINT-AMOUR
Sorti il y a un an, « Saint-Amour » a rencontré un beau succès. On rit franchement de cette virée viticole d’un père et de son fils qui sont dans l’opposition. Tout commence au Salon de l’Agriculture où, de stand en stand, le fils (Benoît Poelvoorde) fait la Route des Vins. Aussi son père (Gérard Depardieu) lui propose de faire cette route « pour du vrai ».
Avec un taxi, conduit par Vincent Lacoste, ils vont de vignoble en vignoble, en commençant par Saint-Amour. S’éloignant de la société de consommation, le trio d’hurluberlus se perd au milieu de nulle part, là où ils pourront enfin se retrouver, chacun en particulier, et le père et le fils réussiront enfin à renouer les liens entre eux. Les rencontres insolites se multiplient : à commencer par celle, incongrue, de l’écrivain Michel Houellebecq qui tient des chambres d’hôtes où il présente un hallucinant jouet en plastique. RirR garanti ! Leur route viticole leur font croiser des femmes, la Femme. Tous trois font les coqs autour du personnage interprété par Céline Sallette, avant de s’endormir comme des veaux auprès d’elle.
La fin ? Une utopie qui surprend, mais assumée comme telle avec un nouveau slogan « une maman, trois papas ! » OK ! Pourquoi pas !
FLEUR DE TONNERRE
Totalement différent est « Fleur de Tonnerre », le film réalisé par Stéphanie Pillonca- Kervern, la femme de l’acteur qui y interprète un petit rôle. C’est surtout pour son adaptation du livre écrit sur ce fait-divers par Jean Teulé que Kervern est concerné.
Sorti en tout début d’année, « Fleur deTtonnerre », torpillé par certains critiques, n’a pas trouvé son public. C’est vrai que le film semble un peu « dramatique télé », mais cette histoire vraie de la plus grande empoisonneuse de tous les temps se regarde avec plaisir et grand intérêt et la reconstitution de l’époque est splendide.
Le sujet est passionnant : en 1851, Hélène Jégado fut arrêtée et guillotinée après plusieurs crimes qui défrayèrent alors la chronique. Cuisinière, elle truffait d’arsenic ses délicieux gâteaux et fit ainsi une soixantaine de victimes. Risquant la répétition, le film limite les cas, s’interrogeant davantage sur la personnalité de cette « tueuse en série ». Après une enfance entre un père alcoolique et une mère rigide, engluée dans des croyances maléfiques transmises à son enfant. Traumatisée, la fillette se croit l’incarnation de l’Ankou, (l’ouvrier de la mort) résidu de légendes fort répandues en Basse-Bretagne. Entre deux superstitions, sa mère (parfaite Catherine Mouchet, qui disparaît très vite étant la première victime) la surnomme « Fleur de Tonnerre ». Serait-ce ce qui aurait pu la rendre psychotique, comme semble l’avancer le film ? Dans son procès, elle a dit entendre des voix qui lui désignaient ses victimes et la poussaient à agir.
De place en place, partout où elle est accueillie, elle répète sa recette. Personne ne se rend compte de rien. Jusqu’au jour où les doutes commencent à germer... L’idée de confier le rôle à l’angélique Deborah François surprend vu sa jeunesse, mais cela ajoute de l’ambiguïté à ce drame. Dommage que Benjamin Biollay (catastrophique) lui donne la réplique. Mais une brochette d’autres comédiens épatants compense.
Caroline Boudet-Lefort