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CINEMA : Grisgris - Un film de Mahamat-Saleh Haroun

Dans les salles le 10 juillet 2013.

Au dernier Festival de Cannes, Mahamat-Saleh Haroun était le seul représentant du continent africain sélectionné dans la compétition. Après Daratt, Prix spécial du jury à Venise en 2006 et Un homme qui crie, Prix spécial du jury à Cannes en 2010, ainsi que de nombreuses récompenses dans divers festivals, le réalisateur tchadien propose aujourd’hui Grigris.
Le film porte le nom de son héros, habitant des quartiers misérables de N’Djamena. Grigris se rêve danseur, il est tellement doué qu’une jambe infirme ne l’empêche pas de danser avec talent tandis qu’une foule électrisée l’entoure et l’acclame dans les boîtes de nuit où il se produit. C’est là qu’il rencontre la magnifique Mimi qui danse avec lui et le séduit. Elle-même ne reste pas indifférente à cet infirme qui pose sur elle un regard autre que celui des hommes qui l’approchent. Malheureusement, suite à l’hospitalisation d’un parent malade, Grigris a un urgent besoin d’argent. Aussi va-t-il se fourvoyer dans un trafic d’essence d’abord, et dans une arnaque ensuite en revendant à un tiers une cargaison d’essence volée. Il se retrouve donc avec des mafieux avides de vengeance à ses trousses.

Anaïs Monory et Souleymane Démé dans Grisgris
© Les Films du Losange

Tout le film repose sur Souleymane Demé découvert au Bukina Faso par Mahamat-Saleh Haroun qui a écrit le film pour lui. Malgré sa patte folle, sa gestuelle est incroyable et il multiplie des chorégraphies électriques. Mais le scénario, faible et rempli de poncifs, empêche le film de décoller quel que soit le talent de la mise en scène. Les acteurs principaux, dont c’est le premier film pour tous deux, ont un jeu limite-limite pour des personnages d’une pièce, sans nulle complexité. Mimi, la femme fatale, la prostituée au grand coeur, est un personnage convenu de belle plante sollicitée par tous les machos alentour et c’est pourtant à un handicapé qu’elle s’attache. Chacun sauve l’autre à sa manière. Le film est marqué par une naïveté qui le banalise. La campagne serait mieux que la ville grâce au contact avec la nature et les hommes n’y auraient pas perdu les valeurs de la solidarité.

Mahamat Saleh Haroun
© Les Films du Losange

On peut d’ailleurs supposer que la démarche claudicante du héros est la métaphore de la déliquescence sociale tout aussi claudicante d’une Afrique qui ne pourrait s’en sortir qu’en revenant à des valeurs ancestrales proches de la nature. Notons aussi que ce sont les femmes qui trouveront la solution finale cynique de ce « polar », dans un acte impitoyable et libérateur.

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