A leur naissance, deux bébés ont été échangés dans une maternité. Le « pot-aux-roses » est révélé lorsqu’ils ont six ans ! Le sujet est donc le même que celui de « La Vie est un long fleuve tranquille », la comédie d’Etienne Chatiliez, mais le traitement est totalement différent dans le film du Japonais Hirokazu Kore-Eda qui s’attache à l’aspect psychologique de cette situation et à l’éternelle question de l’inné et de l’acquis.
S’interrogeant peut-être lui-même, le réalisateur s’intéresse surtout aux deux pères. L’un d’eux est un jeune architecte, travailleur acharné, obsédé par l’ascension sociale qui s’étonne de ne pouvoir transmettre ses valeurs à son fils unique qui ne s’annonce pas comme battant. Il aura d’ailleurs cette phrase cruelle et violente. « Ainsi tout s’explique ! » lorsqu’on lui révèle l’échange d’enfants, trouvant une raison logique aux défauts de « son fils ». Mais, il n’est pas certain que cela se passe mieux avec l’autre garçon qui, moins souple, lui résistera. L’autre père est plutôt bohême, davantage disposé à jouer avec ses enfants (ils sont trois) qu’à les pousser au travail. On sent de l’amour dans cette modeste famille, agitée et vivante, loin de la froideur de la perfection du foyer du jeune cadre arriviste. C’est la joie de vivre face au confort bourgeois. Les mères, aimantes et soumises, ont une place plus effacée dans cette situation. Pourtant, on entend leur silence.
Cinéaste de l’enfance (souvenons-nous du touchant Nobody Knows), Hirokazu Koré-Eda pose une multitude de questions avec beaucoup de douceur, de sensibilité, de finesse. Quelle est la bonne éducation ? Qu’est-ce que la transmission ? A partir de quel moment un père devient-il réellement père ? Est-ce l’enfant qui fait le père ? Parents géniteurs ? Parents nourriciers ? Liens du sang ou liens du temps ? Les enfants ne sont-ils pas les symptômes des parents ? Le réalisateur montre aussi le point de vue des premiers concernés, les enfants, et le regard qu’ils posent sur les adultes. Ce qui donne une fin particulièrement émouvante.
Le film a obtenu, à Cannes, le très honorable - et mérité ! - Prix du Jury, mais on parlait beaucoup de lui pour l’attribution de la Palme d’Or.