Les racines du Ciel
Son metteur en scène, d’abord, est un cinéaste américain des plus atypiques. Terrence Malick, 68 ans qui protège son intimité de manière quasiment paranoïaque en refusant de faire la promotion de ses films et d’être pris en photo (il n’est d’ailleurs pas venu récupérer sa Palme d’Or à Cannes !) est un vieux professeur de philosophie qui a réalisé son premier film à 30 ans (« La Balade Sauvage ») et dont « Tree of Life » n’est que le cinquième film en 38 ans.
Terrence Malick n’en reste pas moins un homme intelligent, intuitif, à la sensibilité poétique, tout en étant un excellent technicien comme il le démontre dans de nombreuses scènes du film (totalement opposées entre elles) et que sont l’histoire de cette famille américaine et les souvenirs qu’un fils a de son enfance au Texas dans les années 50, tiraillé entre un père autoritaire (Brad Pitt) et une mère aimante, généreuse et trop pieuse (Jessica Chastain) et des scènes surréalistes de big bang, de cosmos, de volcans de dinosaures, de méduses, de premier et dernier jour du monde.
Apparemment peu soucieux de décontenancer son spectateur, Terrence Malick, épigone kubrickien, nous livre avec ce film (comme l’avait fait avec plus de brio Stanley Kubrick pour « 2001 l’Odysée de l’Espace » en son temps), une œuvre sensorielle, inspirée, à la dimension profondément épique, religieuse et métaphysique.
Les âmes perdues avec lesquelles les personnages de Malick s’entretiennent, volettent avec grâce dans les plis d’un rideau agité par une légère brise ou arpentent nonchalamment le sable d’une plage paradisiaque.
Terrence Malick a « simplement » entrepris de filmer sa vision du paradis et de l’au delà, la perfection de la Nature, l’incongruité de l’existence humaine, cet arbre aux branches célestes, le tout éperonné par le douloureux questionnement du sens de la vie.
Rien de moins…
Excusez du peu !
Ce film a par ailleurs profondément divisé les critiques en mêlant à la fois des scènes d’une grande virtuosité (plongée, contre-plongée, travellings coulés, fluidité, maîtrise du cadre, etc…) et un propos parfois pesant, lyrico-mystique version new-age qui a horripilé ou laissé de glace, plus d’un spectateur agnostique.
Faut-il malgré tout grimper à l’arbre (de vie) ? Oui, sans hésiter, et notamment pour l’interprétation magistrale et toute en finesse de Brad Pitt (époustouflant en père psychorigide frustré) et pour le souffle monstrueux de ce film aux images et à la bande son éblouissantes qui éveillera ou réveillera chez les plus mystiques d’entre vous ce que Miguel De Unamuno appelait le « sentiment tragique de la vie ».