| Retour

Winter sleep

Nuri Bigle Ceylan est le cinéaste de tous les records.
Après avoir décroché le prix de la mise en scène pour "les trois singes" en 2008 et obtenu deux Grands Prix du Jury à Cannes pour "Uzac" en 2003 et "Il était une fois en Anatolie" en 2011, le voilà, désormais, lauréat de la Palme d’Or 2014.

Turkish Délice

A 55 ans, Nuri Bigle Ceylan ce surdoué, seul héritier de Yilmaz Güney (unique Palme d’Or dans le passé pour la Turquie avec "Yol" 1982), s’inscrit dans la lignée des grands cinéastes internationaux tels que Bergman, Tarkovski, Kiarostami ou Angelopoulos à qui on le compare souvent.

A la fois grand visionnaire et artisan de l’intime, il imprime à chacun de ses films un rythme et un montage qui lui sont propres.

Oriental par la lenteur avec laquelle il observe et dissèque les situations, il est paradoxalement très occidental par la fascination qu’exerce sur lui la psychologie des personnages et la tragédie des parcours individuels.

Une emblématique "tête de turc" en somme, conformément à ses origines et à ses concitoyens depuis toujours géographiquement, politiquement et culturellement déchirés entre Europe et Asie.

Ainsi, et bien que le film ne soit nullement polémique, Nuri Bilge Ceylan a habilement saisi l’occasion de la remise de sa récompense suprême pour rendre, courageusement et publiquement, hommage a l’actuelle jeunesse turque révoltée.

Le film quant à lui, certes d’une durée de 3h16 (!), et maladroitement distribué en plein été, période plus propice que les autres aux siestes post-prandiales ou vespérales, verra ses spectateurs se partager en deux camps :

Ceux qui le détestent et pour qui Winter Sleep égale le grand sommeil (trop long, trop bavard, pas d’action, pas de sexe, pas d’hémoglobine, etc.).

Ceux qui adorent ce "délice turc", film profond, imposant, lent et long mais juste ce qu’il faut, un drame philosophico-psychologique incontestablement doté d’un souffle monumental.

Un souffle de marathonien qui est bien évidemment aussi exigé du spectateur pour suivre jusqu’au bout ces scènes de la vie familiale turque aux accents bergmaniens sur fond de théâtre de la vie politique du pays avec dramatisation shakespearienne de la poussée islamiste.

"Sommeil d’hiver" est donc un film puissant et ambitieux qui mérite amplement les honneurs qui lui ont été réservés par le Jury cannois en 2014.

"SOMMEIL D’HIVER"
(Winter sleep)
Nuri Bilge Ceylan
Palme d’Or Cannes 2014
Prix Fipresci

Artiste(s)