L’éternel retour
Pour sa cinquième participation en compétition à Cannes, après "Les destinées sentimentales" en 2000, "Demonlover" en 2002, "Clean" en 2003, qui a valu le prix d’interprétation féminine à Maggie Cheung et "Boarding geste" en 2007, Olivier Assayas, ancien critique de cinéma et désormais "pensionnaire cannois", a réalisé, avec Sils Maria, une intéressante mise en abyme du monde du théâtre et du cinéma doublée d’un subtil portrait de femmes qui, de génération en génération, sont prises dans la ronde du temps qui passe.
Porté par la magistrale performance de Juliette Binoche (qui méritait un nouveau prix d’interprétation), et de son assistante dans le film, la remarquable Kristen Stewart, le film dont l’action se déroule, de nos jours, principalement dans un village des Alpes Suisses, dénommées Sils Maria, prend pour prétexte le dernier hommage rendu par une actrice confirmée, Maria Enders (Juliette Binoche) à un grand auteur de théâtre à l’aura bergmanienne (et qui va mourir avant la cérémonie) pour développer un jeu de miroir entre réalité et fiction.
Obsédée par son refus de vieillir, Maria va se trouver, à la fois bousculée par sa jeune assistante, Valentine (Kristen Stewart), et par une jeune star montante hollywoodienne, Joann Ellis (Chloé Moretz) à qui un metteur en scène débutant va vouloir confier le rôle interprété vingt ans plus tôt par Maria.
Corollairement, il offrira à cette dernière, la dure mission de jouer la vieille femme de la pièce en proie aux outrages du temps.
Dans ce film dangereux à incarner, où la frontière entre vie réelle de l’actrice et vie fictive du personnage s’embrouille parfois, Juliette Binoche démontre à nouveau la maîtrise de son art et son courage à affronter, sans aucun fard, le souvenir de son passé et de sa jeunesse perdue.
Le film fait également référence au thème nietzschéen de l’éternel retour et à la renaissance de toute chose (Sils Maria est un village où Nietzsche a, de plus, séjourné) et au maelstrdm culturel contemporain (livres, films, musique, internet) qui, tel les nuages qui serpentent entre les claires montagnes magiques de Suisse, envahit et pollue progressivement tout.
Digne épigone d’Alain Resnais, Olivier Assayas a ainsi incontestablement réalisé un de ses meilleurs films que, son injuste oubli au dernier Palmarès cannois, ne doit pas vous inciter à oublier.