Ouverture en fanfare à la Quinzaine des Réalisateurs avec « Bande de filles » de Céline Sciamma (Naissance des Pieuvres et Tomboy) ! Avec des rêves d’émancipation, une adolescente de 16 ans va suivre une bande de copines pour s’éclater. Leur jeunesse et leur énergie ont convaincu tout autant la critique que le public emballé par cette joyeuse bande. Mais, le gros succès de la Quinzaine a été sans conteste « Les Combattants », premier film de Thomas Cailley qui a trouvé un ton personnel pour réunir un couple insolite où Adèle Haenel n’économise pas son abattage. Le film a raflé toutes les récompenses offertes par des partenaires de la Quinzaine (SACD, Art Cinema Award et Labe Europa Cinemas). Un troisième film français, « Mange tes morts » est le récit d’une folle virée nocturne de quatre hommes d’une communauté gitane du nord de l’Europe. Il faut accepter de rentrer dans l’univers noir de Jean-Charles Hue qui a déjà réalisé avec des acteurs non professionnels « La BM du Seigneur » sorti il y a trois ans.
La sélection se flattait de quelques réalisateurs de renom : John Boorman (Délivrance, Excalibur) revient avec « Queen and Country » éducation militaire et sentimentale de deux jeunes conscrits au temps de la guerre de Corée. Frederick Wiseman, maître du documentaire, a présenté « National Gallery », trois heures d’une visite incroyablement vivante du musée londonien. D’après une légende classique japonaise, « Le Conte de la Princesse Kaguya » est un film d’animation d’Isao Takahata (Le Tombeau des lucioles). Frère et soeur, Ronit et Shlomi Elkabetz, qui avaient déjà réalisé ensemble, en 2004, le superbe « Prendre femme », reviennent avec un film passionnant « Gett, Le procès de Viviane Amsalem », un huis clos sur les difficultés à divorcer en Israël. Autre film israélien, « At li layla », premier long-métrage de Asaf Korman qui concourait donc pour la Caméra d’Or. Deux autres réalisateurs étaient aussi en lice pour la même récompense : l’Australien Zak Hilditch avec « These Final Hours » sur l’attente de l’apocalypse et Daniel Wolfe avec « Catch Me Daddy », un thriller violent.
De nombreux films sont sous le signe de la violence. Est-ce la marque d’une époque ? La conséquence de la crise actuelle où seule la lutte et la bagarre permettent de s’en sortir ? Beaucoup de violence dans « A hard Day » du Coréen Seong-hun Kim, mais une ironie sarcastique se mêle au gore. Violence encore dans « Juillet de sang » d’un jeune spécialiste de l’horreur Jim Mickle où il est question de vengeance, et violence dans « Alleluia » du Belge Fabrice du Welz, avec Laurent Lucas. Ou encore la violence tyrannique d’un professeur de jazz dans « Whiplash » de Damien Chazelle et celle souterraine, avec crainte permanente, dans « Refugiado » de l’Argentin Diego Lerman qui se met à la hauteur d’un enfant en fuite avec sa mère, afin d’éviter la violence conjugale.
En séance spéciale, « Massacre à la tronçonneuse » le film culte restauré de Tobe Hooper, spécialiste du cinéma d’horreur. Egalement en séance spéciale, une surprise ! « P’tit Quinquin » est une série policière et loufoque réalisée pour Arte par Bruno Dumont qui s’est lancé dans une comédie hilarante. Quatre épisodes furent enchaînés en compagnie de deux flics minables engagés dans l’enquête de crimes absurdes.
Avec une naissance dans le sillage de Mai 68, la Quinzaine se doit de présenter un cinéma audacieux, sinon révolutionnaire. En est-il ainsi cette année ? Certes, son éclectisme permet de constater une sélection qui représente toutes les formes de la création où il est à souhaiter l’émergence d’un réalisateur qui marquera le cinéma comme ceux cités dans le petit film introduisant chaque projection. On y retrouve de célèbres « découvertes » : Michael Haneke, Wim Wenders, Ken Loach, Scorcese, Jarmush, Bresson, Angelopoulos, Duras, et d’autres tous aussi prestigieux.