HIPPOCRATE De Thomas Lilti
Alors qu’il a toujours voulu être réalisateur, Thomas Lilti, marchant dans les pas de son père, est lui-même devenu médecin. Il sait donc de quoi il parle avec un sujet quelque peu autobiographique : un jeune interne en médecine commence à travailler dans un hôpital où son père, professeur à la carrière notoire, est chef de service. Il compte donc sur un statut privilégié dans l’équipe, mais tout se complique avec l’arrivée d’un interne plus expérimenté que lui et qui, venu de l’étranger, compte bien faire son trou en France. Un climat de rivalité s’installe entre eux, mais aussi d’entraide face aux difficultés auxquelles se trouve confronté le personnel soignant. Les personnages se heurtent, s’affrontent, mais se soutiennent....
Poussé par son désir, durant ses études en médecine, Thomas Lilti écrivait déjà des scénarios, et, dès qu’il a pu, il a réalisé son premier film « Les yeux bandés » (pas vraiment une réussite !).
Mais, cette fois il entraîne le spectateur dans les coulisses d’un hôpital parisien à bout de souffle.
Celui où il a lui-même exercé et dont il connaît bien les lieux : les chambres de malades et d’internes, le réfectoire, le hall... Dans un parti pris narratif, on ne sort pas du service ce qui resserre le récit de manière radicale. La laideur du décor et la vétusté de l’équipement soulignent le manque de moyens de l’Assistance Publique, sans qu’il s’agisse pour autant d’un film revendicatif dénonçant toutes les complexités actuelles de l’univers médical.
Aujourd’hui, en premier il y a le budget : un hôpital doit être géré comme une entreprise. C’est la mort du dialogue médecin-patient avec des cadences devenues tellement infernales qu’elles ne laissent plus au personnel le sentiment de soigner : il ne soigne plus, il produit des soins. Sans jouer à être le champion d’une contestation hospitalière, le metteur en scène, impliqué, désigne l’absurdité qui jaillit d’une réalité où il faudrait d’abord soigner l’hôpital. De fait, comment soigner les malades sans soigner l’hôpital ?
Ce récit d’apprentissage montre les doutes et le poids des responsabilités auxquels se trouve confronté tout jeune interne, mais aussi ses peurs, celles des patients, des familles, des médecins et du personnel. De plus, les questions d’éthique sur l’acharnement thérapeutique sont abordées. Un sujet typiquement de notre époque, puisque dans les temps anciens on ne vivait pas aussi longtemps qu’aujourd’hui où les progrès de la médecine permettent d’allonger la durée de vie. Mais dans quel état ? Et quel est le désir du patient ?
Présenté en clôture de la Semaine de la Critique du dernier Festival de Cannes, Hippocrate est un film sympathique, entre chronique amère et comédie non dépourvue de sens. Avec son physique de benêt ahuri, Vincent Lacoste est parfait pour jouer l’imprudent qui découvre que chacun de ses actes peut avoir des conséquences. Tandis que Reda Kateb – décidément sur de multiples écrans cannois – creuse la complexité de son personnage de toubib étranger (30% le sont dans les hôpitaux). Quoiqu’en rivalité, il n’hésite pas à partager son expérience et son savoir avec l’apprenti médecin en proie au doute.
De l’hôpital, on ne se fait pas une image très riante, mais, au vu de ce film, peu de chance qu’elle ne s’améliore !