La chasse, c’est le rituel automnal de cette province danoise où les fils de la bourgeoisie locale sont censés devenir des hommes en recevant leur premier fusil et en tuant leur premier cerf. C’est aussi une métaphore de ce que va subir, en tant que proie, le personnage principal de La Chasse, le nouveau film de Vinterberg. On passe vite de la chasse au cerf à la chasse à l’homme !
Après un divorce difficile, Lucas essaie de s’adapter à sa vie actuelle faite de copains, d’un nouveau travail, d’une nouvelle « petite amie », et surtout d’un rapprochement avec son fils adolescent. Mais quelque chose tourne mal, en l’occurrence l’affabulation d’une minuscule petite fille qui va l’accuser d’exhibitionnisme sexuel. Le mensonge de la fillette s’emballe à la vitesse de toute rumeur : il se répand comme un virus invisible et plonge la petite communauté locale dans une paranoïa collective, provoquant à l’encontre de Lucas un déferlement de haine et de brutalité. La vie de celui-ci bascule tandis que tous, amis, voisins, commerçants, ... contaminés par la suspicion, se liguent contre lui. La situation très vite se dégrade, et Lucas ne peut qu’assister à l’inexorable processus d’humiliations et de violences, devenant le bouc émissaire de l’hypocrisie sociale.
Depuis Festen, son film phare (1998), Vinterberg avait tenté une carrière aux Etats-Unis où il n’avait rien réalisé de marquant : It’s All About Love et Dear Wendy. Aussi sa présence dans la compétition cannoise a-t-elle surpris ! Dans le scénario de La Chasse, on sent que le réalisateur cherche autre chose que l’enfonçage de portes ouvertes, mais chaque situation est attendue, prévisible. Soulignant un peu lourdement les résidus dans la société actuelle d’archaïques comportements avilissants, Vinterberg multiplie de pénibles scènes d’humiliation qui imposent au spectateur ce qu’il doit penser. Comme si la vérité n’était qu’un leurre.
Le thème de l’homme menacé, seul face à la foule n’est pas nouveau (Furie de Fritz Lang, Les Risques du métier d’André Cayatte, Dogville de Lars von Trier, Scènes de chasse en Bavière de Peter Fleischmann, Panique de Julien Duvivier, ...). La Chasse tombe dans la démonstration et un certain manque de crédibilité : Lucas, malgré ses dénégations, se comporte en victime expiatoire sans même se défendre, tandis que tout le monde croit d’emblée la petite fille. Freud nous l’avait pourtant bien dit, l’enfant est un pervers polymorphe.
Comme dans Festen, Vinterberg se montre un excellent directeur d’acteurs : ils sont tous convaincants, y compris la fillette, totalement craquante. L’impressionnant Mads Mikkelsen - Prix d’interprétation masculine pour ce rôle au dernier Festival de Cannes - est bouleversant en bouc émissaire malmené, muet de stupeur, digne. Il exprime parfaitement la douleur interne éprouvée par son personnage qui ne sait comment sauver quelque chose d’un système social hypocrite et pourri.
CINEMA : La Chasse - Sortie en salles le 14 novembre
De Thomas Vinterberg
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