Annoncé lors de la conférence de Presse révélant la sélection cannoise 2012 comme « le film le mieux mis en scène de la compétition », L’ivresse de l’argent d’Im Sang-soo était très attendu. Pour son sixième long-métrage, le réalisateur coréen mêle critique sociale et portraits psychologiques dans le prolongement de The Housemaid qu’il présentait à Cannes en 2010 : une domestique y était broyée par ses patrons.
On retrouve le même excès dans L’ivresse de l’argent. Vu à travers les yeux d’un jeune secrétaire au service d’une famille dépravée, le sujet est d’une cuisante actualité sur la corruption généralisée du capitalisme contemporain : le cynisme, l’arrogance et l’impunité d’une famille de grands financiers corrompus jusqu’à la moelle par le pouvoir de l’argent. Le beau jeune homme évolue dans cette société cupide, en faisant ce qu’il peut pour ne pas perdre pied dans les eaux boueuses de ce monde corrompu, monde auquel il ne souhaite pas appartenir. Chargé de s’occuper des affaires privées de cette famille à la morale douteuse, il se trouve alors pris dans une spirale de domination et de secrets, et devra choisir son camp sans perdre ses principes sur cet univers où argent, sexe et pouvoir sont rois.
L’ivresse de l’argent traite en fait de l’ivresse du pouvoir, un pouvoir capable de contraindre les gens à courber l’échine sans se rebeller. On y voit le mépris de ceux qui détiennent le pouvoir pour ceux qui en sont privés. Mépriser ouvertement son prochain peut-il suffire à réjouir quelqu’un ? Quelle satisfaction peut-on bien trouver à piétiner l’autre de la sorte ?
Le ton acerbe, sarcastique et vachard auquel le réalisateur est habitué correspond à ces jeux de pouvoir et de manipulation chez les bourgeois nouveaux riches. Le décor reflète l’arrivisme financier de la famille. Avec un glacis de photographie impeccable, telles les pubs pour voitures de luxe, la caméra caresse des piles de billets flambant neufs, puis s’égare sur le mobilier clinquant de la maison, sur le matériel hi-fi haut de gamme, les costumes de prix, les grands crus bus au goulot,... Tout n’est qu’étalage du fric de vies sacrifiées au culte de l’argent.
Certes, la mise en scène est remarquable, mais Im Sang-soo s’égare dans les codes du monde qu’il dénonce. Ainsi cet univers dégradé à outrance ne réussit-il pas à donner au film la dimension de chef d’oeuvre à laquelle il semble prétendre. A cause même de cette outrance.