Après Elle s’appelle Sabine, documentaire émouvant sur sa soeur atteinte d’autisme, Sandrine Bonnaire passe à la fiction avec J’enrage de son absence. Elle n’a pas peur de s’attaquer à un sujet difficile : la souffrance infinie de la mort d’un enfant. L’expérience de la perte, d’une perte irrémédiable, l’évidence du jamais plus.
L’histoire est celle d’un deuil qui se décline en deux parties. Une première pour présenter les personnages : un Américain (William Hurt) revient à Paris suite au décès de son père pour liquider la succession et vendre meubles et maison. Fragile et vulnérable, il erre comme un fantôme, observant d’abord à distance la femme qu’il a aimée. Celle-ci a fondé un nouveau couple et a un enfant de sept ans. Ils se retrouvent après une séparation de dix ans et, peu à peu, on comprend le drame qui est arrivé : la mort accidentelle de leur petit garçon à laquelle leur couple n’a pas survécu. La douleur et la solitude du père n’en sont que plus violentes. Lors de leurs retrouvailles, il manifeste le désir de connaître l’enfant et s’immisce de plus en plus dans leur vie, surtout dans celle du gamin qui, très sensible, comprend - sans rien savoir du passé – l’importance qu’il représente pour cet homme. Celui-ci va tout larguer de sa vie passée et, avec la complicité de l’enfant, il s’installe dans la cave de son ex, malgré la présence du mari. Un huis clos infernal commence alors....
La deuxième partie se heurte justement aux limites du huis clos. Volontairement séquestré et devenu fou de rage de l’absence de son enfant, l’homme est indifférent aux choses matérielles (la succession de son père, son travail au loin, ...). Le regard égaré de William Hurt exprime sa cicatrice toujours latente et toujours susceptible de déchirure face à l’irruption du réel, il s’attache au petit garçon comme s’il était le fils qu’il a eu avec sa mère. Un lien secret et émouvant se renforce entre l’homme et l’enfant qui l’aide à rester caché dans la cave. Ils deviennent complices, construisent des secrets. Intuitif, l’enfant comprend être indispensable dans la vie de ce nouvel ami enfermé dans son drame et sa solitude : il répare quelque chose du passé, mais personne ne remplace personne.
La sobriété parfaite de la mise en scène se nourrit du jeu des acteurs. Alexandra Lamy, d’abord connue par la comédie (Un gars, une fille, ...), se montre parfaite dans le registre dramatique. L’incomparable William Hurt a trouvé son meilleur rôle depuis Le Baiser de la femme araignée d’Hector Babenco. Sensible et juste dans le chagrin, il laisse sourdre la lente inflexion des sentiments et des blessures intimes. Il sait montrer son incapacité à faire le deuil de son petit garçon, combien il enrage de cette absence. Enfin l’enfant, excellent et délicat Jalil Mehenni. La prouesse de la réalisatrice est d’avoir maintenu le pathos à distance. Ce qui intéresse Sandrine Bonnaire, c’est le remplacement de l’enfant disparu par un autre. Son scénario, écrit avec Jérôme Tonnerre, est traversé par la mort, hanté par le deuil impossible. Une histoire de deuil qui évite les clichés.
Sélectionné hors compétition à la Semaine de la Critique du dernier festival de Cannes, le film y a obtenu un immense succès.
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