Dans la brume est l’adaptation d’un des plus grands récits d’un écrivain russe très célèbre, particulièrement dans son pays quoique traduit dans une multitude de langues, Vassil Bykau (1924-2003), qui fut artilleur dès 17 ans dans l’Armée Rouge, durant la Seconde Guerre mondiale.
L’action se déroule en Biélorussie, en 1942, dans d’immenses forêts de bouleaux où marchent vers la mort deux résistants et un homme à abattre, accusé à tort de collaboration avec l’ennemi. La région est alors occupée par les nazis et la milice locale. Après le déraillement d’un train, au début du film, trois partisans prosoviétiques sont pendus sur la place du village. Un quatrième a été relâché par l’ennemi, sans explication. Aussi est-il soupçonné d’avoir livré des informations sur la résistance. Deux hommes débarquent chez lui...
Certes, le thème, difficile mais classique, peut paraître austère, cependant la symbiose de ces hommes avec la nature qui les entoure dégage une impression de sérénité. Une série de flash-back donne des informations sur le passé de ces résistants dont le soi-disant coupable que l’on sait ne pas avoir trahi leur cause. Il voudrait sauver son honneur, mais, n’étant plus crédible, réussira-t-il à convaincre ses anciens camarades de son innocence ? La cruauté de cette histoire sur le doute montre que les frontières entre le bien et mal ne sont pas toujours nettes. En temps de guerre, toutes les valeurs de l’humanité sont brouillées.
Dans la brume a obtenu, au dernier festival de Cannes, le prix très mérité de la FIPRESCI (la presse internationale). C’est un film d’une indéniable beauté, peut-être un peu froide, avec de longs plans où la caméra s’avance doucement à un rythme lent, sur une extraordinaire bande-son sans musique, mais toute en bruissements de la nature. Ajoutons le jeu très sobre des acteurs, dont Vladimir Svirski qui apporte au personnage principal une incroyable intensité.
Venu du documentaire, Sergei Loznitsa est un réalisateur très singulier, avec un sens aigu de la composition plastique et un lyrisme mélancolique mis au service d’un ardent humanisme. Ici, il met en scène l’abjection morale de cette guerre dans des paysages magnifiques que la brume finira par envahir.