Le jeune Gabriel vit au Burundi, un petit pays du centre de l’Afrique, dans une famille heureuse : son père entrepreneur français, sa mère africaine d’origine Tutsi et sa petite soeur Ana, métisse comme lui.
Il fait les quatre cents coups avec sa bande de copains qui se réunissent dans un vieux bus abandonné qu’ils se sont attribués.
Mais l’orage approche : l’entente du couple parental bat de l’aile et les diverses ethnies du pays entrent en lutte.
Chacun de nous a suivi les horreurs de ce génocide rwandais et l’inertie de la communauté internationale qui n’a pas réagi. Ce que le film réussit le mieux c’est tout ce qui concerne le conflit. La tension est perpétuelle, le danger peut survenir à chaque instant. Sans explication didactique, cette guerre ethnique est bien expliquée pour un public qui n’aurait pas suivi les événements d’alors.
Tout est vu au niveau de ce jeune Gaby, double de Gaël Faye, écrivain certes, mais également compositeur et interprète. Il sait raconter ses souvenirs de l’Afrique, les odeurs, les paysages, les gens, les bougainvilliers, les vols de papayes dans les jardins alentour : il y a toute une couleur locale retranscrite aussi bien dans le livre que dans le film.
Quoique, au cinéma, certains événements semblent banalisés comme pour épargner le spectateur – tel ce vélo rouge offert à Gaby par son père pour Noël et qui, volé, est revendu et à nouveau encore et encore, jusqu’à cette vieille femme qui avait mis les économies de toute une vie pour cet achat... Leçon moralisante pour Gaby comprenant que son père aurait pu sans difficulté lui en acheter un autre.
Il parle longuement de ses parents : ce père à la fois sec et affectueux (impeccablement interprété par Jean-Paul Rouve), de sa mère (Isabelle Kabano) qui, sans nouvelle de sa famille restée au Rwanda, y part et découvre tous les corps massacrés : elle sombre dans la folie. Il parle aussi de son oncle Pacifique qu’il admire et qui sera lui aussi exécuté, comme sa jeune épouse enceinte. Il parle également de cette Madame Econopoulos qui l’invite chez elle, lui prête et lui donne des livres, un choix préférable à celui des armes fait par ses copains... Toute une vie tragique avant que Gaby soit « réfugié » en France avec sa soeur.
Le matériau littéraire est la principale qualité de cette adaptation filmée par Eric Barbier, plus réussie que celle trop académique de « La Promesse de l’aube » d’après Romain Gary.
Ici, la petite et la grande histoire s’entremêlent très bien.
L’une dépendant souvent de l’autre : la fin de l’entente familiale coïncide avec le chaos de la guerre civile. L’angoisse de l’enfant sur la mésentente de ses parents dont il est témoin s’ajoute à ses jeux et bagarres avec les copains, et à la guerre entre ethnies. Ce qu’il découvre et ce qu’il ressent face à cette noirceur de la vie est bien rendu, calé au détail près sur les difficultés et les drames quotidiens de la vie familiale en alternance avec les conflits guerriers et les enjeux de territoires.
Cette réussite est aussi, en grande partie, due à Djibril Vancoppenolle, jeune acteur non professionnel comme la plupart des interprètes. Il se montre très émouvant dans le rôle de Gaby, avec un regard plein d’innocence sur cette enfance bafouée.
Caroline Boudet-Lefort