« Emilia Pérez », de Jacques Audiard

Quoiqu’il change encore une fois de registre, Jacques Audiard signe un film épatant – au dernier Festival de Cannes, « Emilia Pérez » était même le film le mieux noté autant par la Presse française que par la presse internationale qui lui accordaient la Palme d’Or puisqu’il était en compétition. Le film y a d’ailleurs obtenu le Prix du Jury et le Prix collectif d’interprétation féminine pour l’ensemble des comédiennes : Selena Gomez, Karla Sofia Gascon et Zoe Saldana.
Pour les avoir dans sa distribution, le réalisateur a ratissé tout le Mexique et a parfois dû les attendre longtemps, mais ainsi Jacques Audiard signe un film ultra-féministe où il s’agit davantage de chanter que de tuer.
Depuis « Regarde les hommes tomber », en 1994, Jacques Audiard s’attache à montrer la toxicité masculine. Ici aussi, à cause des attaches affectives de son passé, le personnage central du film, - elle ? il ? – ne peut totalement reconfigurer sa vie. De même, Audiard ne peut passer à la comédie musicale en se détachant totalement du thriller, son style habituel.
Le rôle du caïd de la drogue est tenu par l’actrice espagnole Karla Sofia Gascon, ex Carlos Gascon, après sa transition de genre en 2018. Elle – il – interprète son personnage tour à tour en homme et en femme et Audiard a été conquis par son alliage de courage et de vulnérabilité après l’épreuve de son changement de sexe, mais ce qu’elle veut, elle, c’est «  magnifier les trans ». Elle est fière de sa nouvelle identité.
Pour ce film, il a fallu aussi prendre un chorégraphe afin d’aider les comédiens, c’est le belge Damien Jalet qui s’y colle, et également choisir des chanteurs pour les faire travailler : la chanteuse Camille a été recrutée… L’interprétation est parfaite.
Après des mois à sillonner le Mexique, le réalisateur a préfèré finalement tourner à Paris, même s’il a conservé en partie l’agitation des rues de Mexico, ce qui était indispensable pour l’ambiance du film.
Bref, si le film a sans cesse oscillé face à de multiples difficultés à résoudre, il est arrivé avec sa cohérence dans la compétition cannoise où, nous l’avons dit, il a été très apprécié, malgré l’inquiétude avant de le voir d’une « comédie musicale mexicaine réalisée par Jacques Audiard » : cela semblait fort incongru !
Caroline Boudet-Lefort