« Donbass » décrit cette guerre hybride à travers une kyrielle de récits, glanés ici ou là, d’événements qui ont réellement eu lieu, aussi incroyables qu’ils puissent paraître, mais peut-être un peu outrés pour que le spectateur comprenne bien la cause que défend le réalisateur.
Le pessimisme de Loznitsa l’incite à outrepasser les limites dans sa narration de certaines situations, quitte à atteindre la caricature jusqu’au grotesque. Son cri de rage et de désespoir décrit un état de corruption et de violence entretenu par le pouvoir et l’occupation russes en Ukraine où la haine et le mensonge divisent la population dans un permanent conflit sanglant.
Constitué de treize épisodes, le film commence par des figurants maquillés dans un camion-loge pour tourner une scène de guerre dans un reportage qu’on suppose de propagande.
La séquence suivante raconte une autre anecdote où une femme surgit au cours d’une réunion pour verser un seau de merde sur la tête d’un élu corrompu. Puis viendra un mariage, véritable farce ridicule et vulgaire jusqu’à l’obscène. S’ajoute un autre fait, et ainsi de suite..., tandis que le spectateur se perd un peu entre les enchaînements et que, éloigné de cette guerre, il lui est parfois difficile de savoir d’emblée qui est Russe et qui est Ukrainien.
Cet éventail de séquences raconte tout des conséquences de cette révolution de Maidan : la guerre, les bombardements, la catastrophe, le fascisme, les mensonges d’état, la propagande, la corruption, les soldats abrutis, la haine, la trahison, les lynchages, la brutalité constante... Outre un combat contre l’oppresseur, l’effondrement est total par un déclin régulier qui aboutit à la destruction. Dans ce monde en perdition, le mélange de noirceur et d’outrance est de rigueur. Mais si la force fait loi, c’est l’absurdité qui domine.
Comme dans « Une Femme douce », son précédent film sorti l’an dernier, Sergei Loznitsa dénonce la routine d’institutions corrompues et démissionnaires, et la décadence totale de son pays. Dans le dossier de Presse du film, il dit : « Ce qui m’intéresse et me concerne au premier chef, c’est le type d’êtres humains engendrés par la société dans laquelle l’agressivité, le déclin et la désagrégation sont les maîtres. »
Difficile de respirer dans cet air asphyxié !
Caroline Boudet-Lefort