Ensuite, Felice redécouvre, au hasard de ses pas, sa ville, Naples dont les codes sont si particuliers puisque la Mafia y règne en maître, rodant sans cesse avec une menace permanente. Surtout dans le quartier de la Sanità, particulièrement anarchique en étroites ruelles entrecroisées. Retrouver cette ville c’est, pour lui, se confronter à soi-même et à ce qui n’est plus.
Ainsi, remonte à la mémoire de Felice tout un passé qu’il avait préféré enfouir et tenter d’oublier, mais il est à nouveau harcelé par des souvenirs qu’il croyait à jamais silencieux... Même si la ville a bien changé, il déambule parmi les fantômes et les vestiges et recherche son ami d’alors, devenu un « parrain » redouté. Prononcer seulement son nom terrifie tout interlocuteur.
Cette errance et cette quête (enquête ?) marquent le film d’une nostalgie fort émouvante.
Porté par l’énigmatique Pierfrancesco Favino (« Le Traître »), ce drame nous plonge dans le labyrinthe de ce quartier populaire. Felice y cherche son passé et de multiples souvenirs font surface. Ainsi s’achète-t-il une moto et, en parcourant Naples, il se revoit avec son copain de jeunesse quand ils dévalaient ensemble dans tous les recoins de la ville. Maintenant celui-ci, devenu ce « parrain » dans la mafia, est craint par tous, et même par le prêtre devenu un ami pour Felice lors des obsèques de sa mère. Cependant il ne tient pas compte de ses conseils et demande à voir cet ancien copain qui vit reclus, car sa tête est mise à prix. De sa cachette, il est au courant de tout, grâce à de multiples « antennes ».
« Nostalgia » est l’adaptation du dernier roman d’Ermanno Rea, paru en 2016, deux mois après la mort de l’auteur.
Il existe déjà un film intitulé « Nostalghia » (1983) de l’illustre réalisateur russe Andreï Tarkovski, totalement différent quoiqu’il se déroule aussi en Italie.
Mario Martone est avant tout homme de théâtre et metteur en scène d’opéras, mais le cinéma lui permet d’explorer inlassablement ses racines napolitaines. Depuis « Mort d’un mathématicien napolitain », couvert de prix à Venise en 1992, Mario Martone évoque, de film en film, sa ville natale, Naples, qui suscite, comme chez nombre d’auteurs, des rapports mêlés d’amour et de haine.
« Nostalgia » n’était pas au Palmarès cannois, au grand regret de multiples festivaliers qui auraient bien vu le Prix d’interprétation masculine attribué à Pierfrancesco Favino qui, de film en film, est toujours aussi excellent dans sa sobriété, mais on devine ses pensées rien que par son regard.
Caroline Boudet-Lefort