Il s’agit de l’improbable rencontre, sous la pluie sur le quai d’une gare déserte, entre une prostituée (une « baigneuse ») et un fugitif recherché à la fois par la Police et par un gang obstiné. S’ensuit une virtuose partie de cache-cache qui dure à l’infini en parcourant des routes sinueuses où le héros est poursuivi comme dans un rêve.
Dans « Le lac des oies sauvages », il est question de loyauté. Autant celle des poursuivants que celle de la prostituée qui doit retrouver sa femme à qui le fugitif, dans un désir de rédemption, veut transmette de l’argent. Aussi erre-t-il de jour et de nuit, ne saisissant plus le monde que par des échanges mystérieux. En Chine, les gangsters conservent des codes et des valeurs d’honneur bien précises, selon leurs traditions ancestrales.
L’esthétique est splendide, avec des formes et des tons qui se pénètrent les uns dans les autres par une évolution secrète et continue.
Les trouvailles de la mise en scène sont diverses, toutes étonnantes dans leur beauté. Aucun heurt ne surprend cette marche sur toute la durée du film. Une remarquable promenade en barque, avec un chapeau qui reste à flotter sur l’eau, s’installe dans la mémoire du spectateur, tout autant que des scènes d’action qui l’entraînent dans un univers certes violent, mais envoûtant par la beauté des images.
Hu Ge, Gwei Lun-mei, Wan Qian, ... les interprètes sont tous parfaits, chacun dans sa manipulation, en ajoutant son propre mystère au mystère du film.
Le cinéaste chinois tente de naviguer au mieux à l’intérieur du système verrouillé de son pays. Il réalise des films qu’il faut décoder derrière l’aspect d’un thriller classique où il s’obstine à dépeindre avec sincérité la réalité de la société actuelle chinoise, en passant maître dans l’art de composer avec le régime. A qui profite le crime ?
Ce thriller ambitieux, qui ne lésine pas sur les effets, dénonce la violence d’Etat, avec des clans corrompus, pratiquant la trahison et le double jeu.
Caroline Boudet-Lefort