D’emblée s’installe un mystère que le spectateur ne voit pas mais qu’il ressent dans une atmosphère bizarre entre le son et l’image, ou entre les personnages.
Cet hallucinant « conte » scandinave mêle réel et surnaturel
Le concret et la poésie s’enchevêtrent dans une vision singulière du monde qu’est l’histoire de ce couple : Maria (Noomi Rapace) et Ingvar (Hilmir Snaer Guonason), effondrés d’avoir perdu leur seule enfant. Ils se consoleront en découvrant un nouveau-né pas ordinaire dans leur bergerie. Ils l’adoptent sans connaître la nature de cette créature étrange.
Ainsi, malgré une disparition qui les chagrine, ils reconstituent une famille et redonnent sens à leur vie.
Le scénario est écrit par le romancier islandais Sigurjon Birgir Sigurosson, (Ed. Payot et Rivages), repu de mythes et de légendes nordiques et d’un folklore peuplé de trolls, de fées et de revenants des sagas islandaises. Il a imaginé ce drame fantastique d’une lointaine campagne dont la nature est le personnage central : la ferme elle-même, mais aussi le paysage de prairies et de rivières entourées de montagnes austères dans leur lumière naturelle.
Maria et Ingmar sont encore résignés à leur chagrin de la perte de leur enfant unique quand ils trouvent ce nouveau-né. Mais, quel nouveau-né ? Maria le dissimule sous une couverture avant de l’installer dans un lit d’enfant
Le mystère plane sur cette ferme. Un secret pèse en permanence, sera-t-il dévoilé ? Pas sûr que ce soit nécessaire pour conserver au film son incontestable originalité. Pourtant les découvertes se succèdent, révélant les énigmes.
On reste intrigués de bout en bout par l’escalade surprenante de cette histoire d’enfant hybride, ni garçonnet ni agneau
Le fantastique semble naturel, mais peut-être y a-t-il une part de folie ! L’imaginaire des temps anciens est resté présent dans ce film où des actes déconcertants semblent naturels à tout le monde, personnages du scénario, mais aussi les spectateurs attirés par cet imaginaire comme des mouches par le miel.
Entre rafales de vent et froid permanent, le temps passe. L’enfant marche, parle, évolue de façon à satisfaire ses « parents ». Et l’insolite continue...
Si on aime être surpris, il faut aller voir ce film dont l’originalité comblera toute insatiable curiosité. Dévoiler le secret du film semble imprudent, d’autant plus qu’il n’y a aucun suspense et ce serait perdre une part d’émotion que procure le film.
« Lamb » avance avec naturel à coups de mouvements mystérieux, incongrus, tordus, déséquilibrés, et grâce à la mise en scène tout semble crédible. Pourquoi pas ?
Magnifiquement filmé, on trouve un talent fou à Vladimar Johannsson pour ce premier film fascinant, attachant, captivant, envoûtant, proche du fantastique pour cette vision singulière du monde. L’atmosphère est spécifique du cinéma islandais, peu prolixe vu l’isolement de cette île et le nombre réduit de ses habitants.
Sélectionné au dernier Festival de Cannes dans la section Un Certain Regard, « Lamb » a séduit les spectateurs, emballés et intrigués de bout en bout par la grande originalité de ce film.
« Lamb » chemine longtemps dans la tête de celui qui le voit, entre effroi et plaisir. Mais avec enthousiasme, c’est certain !
Caroline Boudet-Lefort