C’est une fable philosophique qu’il nous conte dans ce film
L’âne EO est la vedette du spectacle itinérant d’un cirque où il est protégé et choyé comme un coq en pâte par des forains. Mais, des activistes vont arracher EO de cette vie et son sort va se dégrader au fur et à mesure. Après un refuge carcéral pour animaux, il est transbahuté sur les routes boisées de Pologne et d’Italie, où l’on peut voir la destruction environnementale. Dans l’oeil triste et mouillé de l’âne se reflètent des paysages déformés par la main de l’homme, plus préoccupé de rentabilité que d’esthétisme.
EO rencontre des gens bien et d’autres non
Il est la victime innocente qui subit et, par contre coup, il révèle les défauts et les vices de l’humanité : avarice, lâcheté, mercantilisme, sottise, brutalité, ...
Le permanent regard mélancolique d’EO nous touche et parfois il nous semble comprendre au plus profond de ses pensées quand il observe le monde d’un oeil résigné et méditatif, tandis qu’il passe de main en main, ou plutôt de maître en maître. Tout en croisant des crises migratoires et en affrontant le cynisme de l’homme prêt à transformer tout animal en viande. Les abattoirs sont redoutés... Il voit des vaches qui y sont dirigées et des bêtes de somme attelées, cela le fait braire d’un son strident déchirant nos oreilles.
Soudain surgit Isabelle Huppert ! En dernière étape de son périple, EO a échoué dans une maison italienne possédée par la mère bourgeoise et incestueuse d’un jeune homme égaré qui a recueilli EO ! Chaque spectateur s’interroge sur l’irruption incongrue d’une aussi célèbre actrice française et c’est une véritable surprise, mais pourquoi pas...
Jerzy Skolimowski ( « Deep end », « Travail au noir », « Essentiel Killing »,...) est le dernier cinéaste polonais encore en activité. A 84 ans, il signe un film de jeune homme en protestant contre l’élevage des animaux pour leur viande ou leur fourrure.
Pour le tournage du film, il a expliqué avoir utilisé plusieurs ânes qui sont véritablement attachants et émouvants. Il y en avait en permanence deux sur le plateau où il était plus facile de déplacer une caméra qu’un âne. Peut-être tous ces ânes auraient-ils pu obtenir un prix collectif d’interprétation !
Présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, « EO » a reçu le Prix du Jury. Bien mérité pour ce film touchant surprenant, captivant, .... Et qui en dit long...
Caroline Boudet-Lefort