Denis Ménochet et Marina Foïs forment ce couple confronté aux habitants de souche, et particulièrement à deux frères (Luis Zahera et Diego Anido, excellents !) qui n’ont de cesse de leur chercher des noises. Dès le début déjà, la bestialité s’inscrit symboliquement dans la violence avec un affrontement entre hommes et chevaux auxquels il faut couper la crinière en les maîtrisant à mains nues.
C’est pour une histoire d’éoliennes - dont le couple français refuse l’installation - que ces écolos vont s’affronter aux paysans du coin.
La querelle entre voisins devient de plus en plus angoissante, passant de paroles acides et silences sournois à des comportements réellement dangereux. La terreur s’installe dans une haine magistrale avec ces habitants rageurs devenus des sortes d’animaux sauvages. La tension augmente sans cesse.
Les querelles se multiplient : les regards, les paroles et même les silences sont de plus en plus humiliants et nuisibles. On voit bien la haine de l’autre et le rejet sans nécessité de théoriser pour l’avilir (« As bestas », « les bêtes » en français). L’hostilité grandissante de la population locale se transforme en aversion irrespirable dans une atmosphère de malveillance de plus en plus lourde de refus de l’autre et de haine viscérale de l’étranger. La force oppressante du récit donne un sentiment de vérité aux affrontements et aux rapports de domination, surtout dans ses paysages arides où la terre est tout aussi aride.
Jonglant entre le français et l’espagnol, Marina Foïs est saisissante en épouse à l’inconditionnelle fermeté. Elle devient intraitable pour soutenir son mari, un Ménochet plus farouchement acharné que jamais. Devenu une sorte d’animal sauvage, il prouve toute l’énergie furieuse qu’il est capable de dégager pour s’opposer à ses voisins rageurs. Il tente pourtant un compromis, mais l’inévitable arrivera.
L’Espagnol Rodrigo Sorogoyen nous avait déjà donné des films remarquables et remarqués (« Que Dios nos perdone », « El Reino » et « Madre »). « As Bestas » fut un des films les plus appréciés des festivaliers à Cannes en mai dernier. Pourquoi était-il présenté dans la sélection « Première » et non en compétition ?
Ce thriller rural ne montre aucun relâchement durant plus de deux heures : les scènes de tension sont constantes, en partie grâce à des interprètes au mieux de leur forme, Denis Ménochet et Marina Foïs en tête.
Caroline Boudet-Lefort