Dans un dédale de bidonvilles et de souks à la lisière de Beyrouth (mais ce pourrait se passer en Inde, en Afrique et ailleurs encore), on voit l’enfant assister à la vente de sa jeune soeur par ses parents qui la donne au plus offrant, un vieillard. Pour le gamin d’une douzaine d’années, c’est au-delà du supportable : il préfère quitter cette famille même pas capable de donner de l’amour. Mais, au comble de la misère, quel choix avait le père ? la mère ?
L’environnement où vit cet enfant est lamentable, pourtant sa résistance à la vie domine tout, même lorsqu’il prend en charge un bébé que sa mère éthiopienne a été forcée de lui abandonner lorsqu’elle a été jetée dans un camps de sans-papiers.
L’essentiel du film devient l’errance du gamin qui traîne ce bébé dans ses bras ou dans une poussette bricolée avec trois bouts de bois.
Il est confronté à la mafia voulant s’approprier le bambin pour le revendre à bon prix, mais un lien s’est créé entre les deux enfants et quelle que soit la lourdeur de ce « baluchon », il ne l’abandonne pas.
Tous les drames exposés sont des « histoires vraies », a affirmé la réalisatrice libanaise.
Elle a trouvé l’idée de ce procès pour passer par la fiction tout en donnant à son film un aspect documentaire où elle aborde tous les sujets sur le sort des sans-papiers et des enfants laissés à l’abandon. Cependant on y voit une forme de tricherie, de manipulation tire-larmes. De plus, la musique est insistante pour ajouter encore davantage à l’aspect dramatique de cette manipulation. Le pathos transpire à chaque scène et va en s’accentuant pour apitoyer le spectateur par un chantage émotionnel.
Le titre de « Capharnaüm » s’est imposé à Nadine Labaki pour ce film coup de poing, tourné caméra à l’épaule, à hauteur d’enfant, avec d’excellents comédiens non professionnels sélectionnés dans des castings sauvages.
Le choix des deux enfants va convaincre le public à la cause défendue, ils sont attachants au possible. Nadine Labaki interprète elle-même l’avocate qui défend le garçon dans le procès qui l’oppose à ses parents, ce rôle correspond parfaitement à ses louables intentions sur l’enfance maltraitée.
Nous avions adoré « Caramel » le premier film de Nadine Labaki, en 2007. Pour « Capharnaüm », il lui a fallu un long temps de tournage à et encore plus pour le montage avec 500 heures de rushes. Le succès en salles de son film est assuré, mais nous restons sceptiques quant à sa qualité réelle en tant qu’oeuvre cinématographique, bien que l’intention de la réalisatrice soit de faire bouger la cause des enfants des rues afin que plus un seul n’erre ainsi, ici, là et ailleurs. Elle croit que le cinéma peut changer les choses ou du moins avoir un impact. « Capharnaüm » a déjà obtenu le Prix du jury à Cannes et il vise la possibilité d’un Oscar.
Caroline Boudet-Lefort