Dans cette comédie policière ou ce thriller – impossible de le définir -, Spike Lee n’a rien perdu de sa colère de jeune cinéaste afro-américain enragé qui date de « Do The Right Thing », découvert en 1989 à la Quinzaine des Réalisateurs.
D’après une histoire vraie, assez incroyable – surtout à la fin des années 70 !- mais authentique, « BlacKkKlansman » raconte l’infiltration d’un Noir de la police de Colorado Springs dans l’antenne locale du Ku Klux Klan, d’abord par téléphone puis obligé d’envoyer un collègue blanc à sa place pour rencontrer les adeptes, et ensuite le chef du KKK.
Quoique la situation soit tragique, Spike Lee raconte les faits sur un mode comique et il est à craindre que la dérision, en affaiblissant les enjeux dramatiques, nuise plutôt à l’efficacité du récit sur cette haine incontrôlée des racistes. Mais, sans doute faut-il rire avant qu’il ne soit trop tard et que la violence ne soit relancée. C’est probablement le choix du réalisateur qui ne fait pas dans la dentelle. Aucune subtilité, il n’hésite pas à prouver que les risques d’hier sont encore là aujourd’hui. Pour cela, il y va de quelques images de Donald Trump lui-même pour clore le film et saper notre moral.
Dans son film très – trop ! – démonstratif, le réalisateur profite d’un montage parallèle en utilisant des scènes de films anciens (des chefs d’oeuvre tels « Naissance d’une nation » de Griffith et « Autant en emporte le vent » de Victor Fleming), à l’idéologie douteuse très répandue à l’époque, mises en opposition à de récentes scènes de lynchage de Noirs.
Le film enchaîne des réunions de Blacks Panthers et des réunions du KKK qui s’opposent, prouvant que la violence est loin de s’éteindre, puisque les gouvernements successifs n’agissent pas et que les actes racistes perdurent.
Avec une visée didactique, « BlacKkKlansman » interroge sur la possibilité des Noirs et des Blancs à s’unir pour créer justice et égalité dans la société américaine. Mais tant qu’existera, dans la tête de certains, la suprématie blanche, aucune discussion n’est possible. Spike Lee termine le film avec des images d’actualités récentes des affrontements à Charlottesville en 2017. La sortie du film aux Etats-Unis était prévue le 12 août pour le premier anniversaire des événements explosifs dans cette ville (sortie du film en France le 22 août).
Bravo à John David Washington (le fils de Denzel Washington) et à Adam Driver pour leurs interprétations des deux policiers, l’un noir l’autre juif ! Ils s’impliquent pour rendre leurs personnages touchants et s’en donnent à coeur joie pour accentuer leur complicité malicieuse à embrouiller leur « ennemis ».
Autant comique que tragique, le film s’arrête sur des paroles de Trump. Preuve que la situation ne peut avancer et que le rêve américain est bien loin...
Caroline Boudet-Lefort