En effet, il a fortement horripilé certains festivaliers naturellement déprimés tout en enthousiasmant d’autres par la puissance des sentiments contenus, l’évocation du tragique de l’existence humaine et de sa misère à nos faubourgs et la performance d’acteur de Javier Bardem qui nous livre ici une de ses meilleures interprétations après celle de "No country for old men" pour laquelle il aurait déjà dû être récompensé.
L’histoire est assurément très sombre : dans une ville de Barcelone misérable, glauque et crasseuse (méconnaissable), Uxbal (J.Bardem) petit trafiquant est atteint d’un cancer alors que sa femme sort de clinique psychiatrique et doit y retourner à force d’abandonner ses enfants et de les battre.
Il règne sur une armée de clandestins blacks et chinois qui vendent des babioles à la sauvette et dealent occasionnellement ou fabriquent des sacs à main dans des conditions insalubres.
Uxbal est censé avoir la responsabilité de tous ces/ses "enfants". Or il comprend qu’il va mourir et la perspective de sa propre absence, dans ce monde qui a tant besoin de lui, le ramène au manque de son propre père, mort d’une pneumonie, deux semaines après avoir fui l’Espagne de Franco.
Plus de deux heures durant, on plonge avec J.Bardem dans l’univers pâle, crépusculaire et morbide dans lequel il évolue et qui le conduira inéluctablement à sa fin, au paradis des pères absents.
L’histoire de ce héros, de ce survivant au coeur d’une Barcelone à la fois invisible et effrayante, nous parle en réalité du vertige et de l’angoisse qui saisissent les hommes d’aujourd’hui, père et fils potentiels, d’être le chaînon manquant dans le processus de transmission générationnelle.
Un film fort, dur, émouvant, charnel, incarné, à déconseiller absolument aux personnes dépressives ou trop sensibles.
Pour les autres, courrez-y, le film est d’une noirceur flamboyante comme la vie.
Life is beautiful ; "Biutiful" is life.