Ce n’est pas un film sur le renoncement.
En venant en France, Marco ne s’est pas mis au bord du monde pour ne plus avoir peur. Il n’est pas passé de l’engagement au détachement radical, alors qu’il n’envisage le bonheur que dans la lutte, d’où son insatisfaction permanente. Il est replié sur lui-même, traumatisé par le souvenir des « années de plomb », incapable d’être sensible au monde qui l’entoure, ni de s’engager dans des combats plus récents.
Le passé poursuit Marco. Alors qu’il a tourné la page et s’est installé dans une nouvelle vie, le voilà à nouveau inquiété : suite à un attentat récent, sa photo resurgit à la une de la presse. Il est donc obligé de s’éclipser encore en entraînant sa fille, ce qu’elle n’apprécie vraiment pas. Elle n’est pas seule à subir l’impact des actes de son père. La famille (mère, soeur...), restée en Italie, est interrogée, suspectée malgré sa passivité bourgeoise. Recherché, Marco ne peut garder aucun contact avec son pays natal.
Où va le cinéma italien ? Cette question ne cesse de se poser depuis le début des années 1980. Quelques réalisateurs résolus tentent diverses voies possibles, mais ils reviennent inlassablement sur un cinéma qui parle de la mafia ou des sombres « années de plomb ».
Contrairement à de multiples films construits autour des événements de cette atroce période italienne, « Après la guerre » s’attache à la génération qui a suivi, celle des enfants de ceux qui s’étaient engagés à fond dans l’action. Ils en subissent le contre coup, alors qu’ils ne se sentent pas concernés.
La petite histoire bute sur la grande Histoire, quand la douleur privée devient douleur publique.
Dans une mise en scène sobre, Giuseppe Battiston interprète sans romantisme ce personnage d’ancien terroriste et Charlotte Cétaire joue sa fille qui devra à son tour porter le poids de la culpabilité d’une histoire qu’elle n’a pas choisie. La réalisatrice ce serait-elle identifiée à l’adolescente ? Filmant son désarroi et sa révolte, c’est à ce personnage de victime collatérale du terrorisme qu’elle s’attache le plus.
Née en Italie, Annarita Zambrano vit en France depuis une vingtaine d’années. Pour son premier long-métrage, elle parle de ses deux pays. Son enfance et son adolescence, comme celle de ses camarades, ont été marquées par la quotidienneté de la violence en Italie, d’où la culpabilité de cette génération, témoin sans trop comprendre. Elle a axé son film sur la fille de l’ex-militant pour montrer ce qu’a subi l’entourage qui n’avait pas toujours la possibilité de savoir ce qui est juste ou injuste. Ce choix rend le film attachant.
Caroline Boudet-Lefort