En Californie, Ann (Marion Cotillard) et Henry (Adam Driver) s’aiment d’un amour sans limites. Elle est une soprano renommée dans le monde entier, lui un comédien de stand-up adoré de son public. Ce couple heureux a donc tout : l’amour, la gloire, l’argent, une merveilleuse maison nichée dans la verdure et un bébé, Annette, qu’ils adorent.
Victimes de traques de paparazzi à la curiosité indécente de la presse people qui envahit trop leur vie commune jetée en pâture, les deux stars ne savent s’accorder face à un public avide de ragots et de sensationnel. Leur vie privée devient un spectacle et ils ne parviennent plus à trouver d’authenticité en eux pour être de simples parents.
Le spectacle n’a plus de limites et Annette, devenue star à son tour, se produit sur la scène immense d’un stade. Existe-t-elle seulement ? Ou est-elle le jouet d’un fantasme ? L’objet d’un désir qui ne peut se réaliser ? Une poupée chargée de sentiments contradictoires ? Son âge, on ne le connaît pas, son physique incongru est trompeur... Pourtant comment ne pas être reconnaissant d’avoir astucieusement représentée Annette qui s’accorde à l’atmosphère onirique de l’ensemble, puisque le film dénonce l’exploitation des enfants par certains parents qui ne voient que bénéfice à tirer d’un talent qu’ils possèdent.
Entremêlés, l’amour et la haine sont présents comme un sentiment unique et Annette ne trouve pas une place dans ce couple tellement soudé, malgré leur dérive, qu’il ne sait pas l’aimer, sinon de façon toxique. Seul le chef d’orchestre de l’Opéra (Simon Helberg) s’attache réellement à la candeur de cette enfant qui n’est pas considérée comme telle par ses parents.
Extrêmement inventif, « Annette » est un film unique en son genre.
Une comédie musicale pop, très loin des films chantés et dansés, de l’âge d’or hollywoodien. Pas de chansons de groupe clamées en dansant gaiement, mais au contraire un drame qui se joue sournoisement et tragiquement dans le cadre du sujet très actuel de #Me Too. Pourtant, Leos Carax avait terminé depuis plus de deux ans ce film qui devait être projeté au Festival annulé en mai 2020.
« Annette » déborde de musique en tout genre, passant de chansons-pop à des airs d’opéra chantés par Ann professionnellement. Quand Ann et Henry se parlent en chantant sur la musique des Sparks, Marion Cotillard et Adam Driver mêlent amour et haine dans la partition symphonique des Sparks qui s’assortit à merveille avec le talent de Leos Carax et ses fulgurances oniriques.
Caroline Boudet-Lefort