Comme toujours, Thierry de Peretti reste fidèle à sa Corse natale dans « À son image », adaptation d’un roman éponyme de Jérôme Ferrari (Actes Sud - 2018) où il fait le portrait d’Antonia, une jeune photographe du quotidien Corse-Matin à Ajaccio, dès le début des années 80.
On accompagne donc la jeune fille, sur plusieurs années, à la fois dans ses amours et dans son travail, ce qui permet de suivre l’histoire de l’île durant cette longue période dans la mouvance indépendantiste des années 80 jusqu’au nouveau siècle.
Certains des amoureux et des amis de la jeune journaliste sont totalement engagés et prennent des risques avec des attentats. Dans leurs discussions, les points de vue vont d’événements glorieux à d’autres lamentables qui ont fait l’histoire du nationalisme de l’île, surtout menée par les hommes désireux de se montrer virils. Tous parlent de leur rapport à l’île, sa culture et sa violence, et ils sont tous liés aux questions politiques et militantes qui a traversent.
Antonia - parfaitement et sobrement interprétée par une nouvelle venue Clara-Maria Laredo - ne se contente pas de photographier les concours de pétanque, mais entraînée par son amoureux d’alors qui partage son temps entre prison et liberté, elle illustre l’actualité tout en restant cependant hors tout engagement. Le spectateur du film s’interroge sur ce qui l’anime en profondeur, jusqu’à cette mort accidentelle qu’elle semble avoir provoquée et qui interroge aussi.
Très proche d’un oncle prêtre, dont elle cherche souvent l’avis, ajoutant ainsi au film une dimension religieuse chère aux insulaires. Mais ni le prêtre, ni la jeune fille n’ont aucune prise sur la violence autour d’eux. En fait, on ne sait rien des idées et des choix d’Antonia, on la voit prendre ses photos en étant tiraillée par des avis contradictoires. C’est tout.
En prenant des photos, cherche-t-elle uniquement à figer le temps ?
Dans son casting, le réalisateur a mêlé des acteurs accomplis et des non professionnels pour tenter de donner davantage d’authenticité au film, en articulant divers moments de la vie d’Antonia. Le réalisateur a ainsi pu montrer plusieurs événements qui se sont déroulés en Corse des années 1980 à 2000, auxquels s’ajoute une incursion en Serbie où Antonia va couvrir le conflit de la fin de l’ex-Yougoslavie.
Bien sûr, Thierry de Peretti montre aussi avec quelques clichés la magnifique luminosité de cette île méditerranéenne, mais ce n’est pas l’essentiel de ce qu’il a envie de dire ! D’ailleurs, tout le monde le sait !
Cet excellent film était présenté au dernier Festival de Cannes par « La Quinzaine des Cinéastes ».
Caroline Boudet-Lefort