Depuis peu, et de plus en plus, les humanitaires deviennent les héros de films (récemment « Les Chevaliers blancs » montrait parfois leur ambiguïté dans leur mission) Ainsi, des oeuvres de fiction permettent la création de personnages lancés dans des aventures d’actualité et de raconter le désarroi qui les envahit face aux situations toujours davantage douloureuses et prégnantes dans des zones de conflits ou des camps de réfugiés.
« A Perfect day » propose de s’immerger dans la vie d’un groupe d’humanitaires en mission dans un pays en guerre. Le film commence très fort en montrant toute l’énergie dont doivent faire preuve les membres d’une ONG dans leur quotidien singulier. Ce jour-là, « un jour comme un autre », ils tentent de remonter un cadavre qui a été jeté dans un puits pour contaminer l’eau. C’est une déclaration primaire, mais efficace, de guerre biologique : si l’eau vient à manquer, tout dégénère.
Pour sortir le corps du fond du puits, il faut une corde qui s’avère impossible à trouver.
Cela pourrait sembler dérisoire, mais en temps de guerre, tout manque. Avec une course contre la montre, ce film se devait d’avoir un bon rythme. Il l’a ! Pas de temps pour réfléchir. Accrochés à la décharge d’adrénaline que procure l’affrontement à un problème en plein chaos, les personnages entraînent le spectateur dans leur tragi-comédie. Car il y a du comique, malgré le tragique de la situation, d’abord par l’absurdité qu’elle génère, mais aussi par l’humour que les personnages pratiquent comme système de défense pour se blinder et surmonter les épreuves auxquelles ils sont confrontés. Un humour noir, parfois grinçant, qui les aide à tenir.
« A Perfect day » de l’Espagnol, Fernando Leon de Aranoa (dont nous avions aimé « Les lundis au soleil »), bénéficie d’un casting international afin de bien représenter une équipe d’humanitaires toujours composée de personnes de nationalités différentes, avec seulement la langue anglaise en commun ce qui provoque des confusions inévitables, ajoutant du chaos au chaos. Pour écrire son film, le réalisateur est parti d’un livre de Paula Farias, qui fut longtemps la présidente de la section espagnole de Médecins sans Frontières. Sans être dans l’excès, ni la démonstration, son film est ainsi fait d’anecdotes qui montrent la vie quotidienne des humanitaires en s’attachant à la réalité du terrain. Il respecte l’unité de lieu, l’unité de temps, l’unité d’action, comme dans le théâtre classique. Tout se déroule en une seule journée.
Fernando Leon de Aranoa a choisi de traiter son sujet sur le mode comique, ce qui donne un film « grand public » qui devrait plaire à tous. Il dirige une équipe d’acteurs rodés qui passent de l’humour noir au drame et reviennent à l’humour, ce qui demande une grande précision dans leur jeu : Benicio del Toro (goguenard), Tim Robbins (désabusé), Mélanie Thierry (candide), Olga Kurylenko (meurtrie), Fedja Stukan (très concerné). Chacun apporte sa personnalité pour dessiner des caractères différents où, si l’un est très attentif aux règles, l’autre y est indifférent et n’hésite pas à les enfreindre. Ils ont des regards variés sur la poursuite de leur mission : l’un ne pense qu’au retour chez lui, l’autre veut que le conflit se termine, une autre, toute nouvelle venue, conserve encore ses illusions sur l’utilité de leur rôle... Ils ne sont pas dans des moments dits héroïques, mais dans leur travail au jour le jour, si difficile et si peu routinier. Ils tentent de faire de leur mieux en parcourant en voiture d’étroites routes labyrinthiques de montagne au coeur des Balkans.
« A Perfect day », film dynamique et porteur d’espoir comme l’est tout engagement humanitaire, était sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs en mai dernier