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PORTRAIT DE LA JEUNE FILLE EN FEU de Celine SCIAMMA

1770. Marianne est peintre et doit réaliser le portrait de mariage d’Héloïse, une jeune femme qui vient de quitter le couvent. Héloïse résiste à son destin d’épouse en refusant de poser. Marianne va devoir la peindre en secret. Introduite auprès d’elle en tant que dame de compagnie, elle la regarde.

La réalisatrice Céline Sciamma à déjà un beau palmarès, titrée de deux Césars, l’un en 2008 : pour Naissance des pieuvres, César du meilleur premier film et l’autre en 2015 pour pour Bande de Filles, César du meilleur réalisateur.
Coté casting c’est aussi du haut niveau, notamment avec Adèle Haenel, qui à elle seule est déjà honorée par deux Césars, celui de la meilleure actrice dans un second rôle dans Suzanne, puis celui de la meilleure actrice pour Les Combattants.

Dans les notes d’intention il est dit "Au travers de cette histoire d’amour née de la collaboration entre une artiste et son modèle, Céline Sciamma lève également le voile sur le quotidien méconnu des femmes peintres de la fin du 18e siècle.
La cinéaste, dont l’ambition était aussi d’interroger la relation de création entre
« celui qui regarde et celui qui est regardé », a choisi de s’appuyer pour la première fois sur des comédiens professionnels pour se donner la liberté d’être plus exigeante dans sa direction d’acteurs."

Alors n’y allons pas par quatre chemin, PORTRAIT DE LA JEUNE FILLE EN FEU qui nous est proposé en compétition officielle est magnifique, esthétiquement tout d’abord, ou l’on retrouve tous les codes de la peinture, ou les lumières, les jeux de clairs obscurs, les couleurs deviennent des écrins à une expression esthétique parfaite.
Puis en créant cette atmosphère si prégnante sentimentalement, chaque plan est attaché à dépeindre l’émotion, un regard, un geste, un sourire, et cela sonne parfaitement grâce aux magnifiques interprétations des deux actrices principales Noémie MERLANT et Adèle HAENEL.

Nous sommes au 18éme, costumes d’époques, quelque part sur une ile en Bretagne.
Marianne débarque sur ce lieu isolé, afin de réaliser, le portrait d’une jeune fille Héloïse, portrait commandé par sa mère ; Héloïse sort du couvent, et elle est promise à un jeune homme Milanais. L’époque veut que le portrait de la jeune fille soit réalisé pour le mariage.

Le peintre précédent n’avait pu finir son travail car Héloïse refusait systématiquement de poser pour lui, il a été congédié.
Il est donc convenu entre la mère et Marianne, que le portrait devra être effectué en secret.

Sans jamais tomber dans le mielleux, la réalisatrice nous emporte petit à petit dans cette merveilleuse histoire d’amour, ou la naissance du désir et la langoureuse montée des émotions est parsemée de magnifiques moments de pose, comme pour nous entrainer vers cette absence, ce manque, cette mémoire de cœur que chaque amoureux a pu un jour connaitre, quand l’autre n’est plus à nos côtés.
De très jolis moments complices lorsque Héloïse exprime sa première émotion musicale lorsque Marianne se met au piano, mais aussi cette belle scène de jeu de carte ou l’on se plait à rire des taquineries emplies d’affection.

On se laisse donc porter par cette complicité amoureuse, et en filigrane les lectures du mythe d’Eurydice que les deux amantes partagent.
Eurydice dans la Mythologie grecque évoque le destin tragique d’Orphée. Euryce est morte, elle est aux enfers ou Orphée vient la chercher, les dieux décident de la ramener à la vie à une seule condition qu’Orphée ne se retourne pas pour regarder Eurydice avant d’être sorti des Enfers. Alors qu’il est prêt à sortir des Enfers, Orphée se retourna et regarda son épouse. Ayant rompu son engagement, Eurydice meurt une deuxième fois et retourne alors aux Enfers pour toujours, ce qui fit le malheur d’Orphée.

C’est l’empreinte de ce destin tragique qui plane sans cesse car on appréhende le départ de Marianne qui provoquera inévitablement le destin d’épouse d’Héloïse et la séparation des deux amoureuses.

Les derniers plans lors du départ de Marianne sont emplis d’émotion et longtemps les dernières images de ce film resteront gravées tant l’évocation de ce manque et ce sentiment de bonheur de revoir un seul instant l’être aimé est puissamment amené par la réalisatrice.

C’est un merveilleux film qui mérite au minimum des prix d’interprétation, et pourquoi pas un prix pour la réalisatrice... dans le palmarés, on y croit..

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