Après avoir espéré un avenir meilleur à Paris, une jolie trentenaire au chômage se trouve contrainte de retourner vivre chez sa mère, à Roubaix. Pour gagner sa vie, elle accepte de travailler dans le chenil de son oncle où elle doit faire les corvées les plus ingrates : nettoyer, frotter, charger des sacs pesants,...
Peu à peu elle découvre que le chenil sert de plaque tournante à un lucratif trafic d’animaux en provenance des pays de l’Est et qu’elle s’y trouve embringuée malgré elle. Pervers, son oncle se montre généreux avec elle, peut-être pour acheter son silence, sans qu’il ne lui en dise rien. Elle devient donc complice involontaire d’un effroyable trafic et se retrouve dans les réseaux d’économie parallèle, sans perdre toute lucidité pour autant. Elle accepte de prendre des risques... Grâce à sa ténacité et à son endurance, elle arrive à s’imposer dans ce milieu d’hommes et à réussir à se faire une place.
Car, en fait, il n’y avait aucune place pour elle, ni au foyer familial – sa chambre est maintenant occupée par sa soeur et son beau-frère – ni dans la société où elle avait essayé d’échapper au déterminisme social subi par son entourage contraint à des boulots humiliants et précaires. Elle n’a pas d’autre choix que celui de s’accommoder à ce travail éreintant dans lequel elle s’autodétruit peu à peu - une autodestruction face à la dure réalité du monde actuel. Grâce à sa violence intérieure et une révolte en profondeur, elle se blinde sans aucun état d’âme. Sa solitude semble extrême, malgré l’amour de sa famille exprimé de ci de là, et au cours d’une scène les réunissant autour d’un jeu de cartes. Mais l’ensemble des personnes qui l’entourent se montrent complexes, entre soutien et rejet.
Aucune question morale ne touche cette jeune femme. Face à son oncle intransigeant et cruel et elle organise parallèlement son propre trafic, sans chercher à savoir ce qu’il en est de ces animaux et de la brutalité exercée à leur égard. Avec la violence faite sur eux, le film aborde, à sa manière, la cause des animaux, sans que pourtant ce ne soit le sujet du film. Cette animalerie en est seulement le cadre. On peut cependant y voir une allégorie de la cruauté contemporaine dans une société en crise.
Jean-Hugues Anglade interprète parfaitement cet oncle égocentrique et manipulateur lié à sa famille par l’argent qu’il distribue avec générosité comme pour acheter l’affection de chacun et se dédouaner de ses magouillages.
Peu de choses sont dites dans une grande économie de dialogues. Les images parlent et les scènes se succèdent en racontant le déroulement des situations. Tout reste dans le concret, sans la nécessité d’exprimer des sentiments. C’est de ce dépouillement que naît l’émotion chez le spectateur de cette fiction âpre et sociale qui évite de baigner dans le misérabilisme, en particulier grâce à l’interprétation de Louise Bourgoin. Elle se montre très convaincante en femme déterminée et obstinée dans un registre proche, mais plus brutal, de son rôle dans « Un beau dimanche » de Nicole Garcia. Elle parvient à rendre son personnage attachant auprès d’un Jean-Hugues Anglade qui compose un salaud avec une parfaite maestria. La réalisation sobre et efficace souligne la grande maîtrise du scénario sur un sujet surprenant qui secoue. A l’image des frères Dardenne, le contact avec le réel reste constant dans cette chronique sociale où la musique de Martin Wheeler entretient la tension ressentie par les personnages.
Sélectionné en mai dernier au festival de Cannes dans la section Un Certain regard, « Je suis un soldat » est le premier long-métrage de Laurent Larivière qui a écrit son personnage principal en pensant à Louise Bourgoin, quoique sans le lui dire. Et le rôle lui a plu...