TROUCHIA NISSA PILO
La recette de la semaine est une recette originale. Elle s’inspire de la traditionnelle trouchia (trouchia de bléa), cette omelette niçoise à la blette.
À l’origine, la trouchia, ou troucha selon les auteurs, était un plat de pauvre. Elle était mangée froide et dans du pain pour tenir au corps des ouvriers. Ce qui a été oublié est que la trouchia n’a pas toujours été à la blette. On la cuisinait avec ce qu’on avait « sous la main » : diverses salades, des haricots verts ou avec des courgettes. Dans l’arrière pays, on y mettait également des pommes de terre ! Certains ne la faisaient qu’aux pommes de terre comme une… tortilla.
Les peuples oublient ainsi souvent leur patrimoine. La tortilla n’est pas toujours « de patatas », elle n’est pas non plus uniquement une spécialité espagnole !
De même qu’à Nice, on n’a pas toujours fait du pistou avec du basilic (lou balico). On lui préférait parfois la menthe, le romarin ou la sauge… que l’on écrasait avec un pilon dans un mortier (piler/pistà d’où… pistou).
La trouchia Nissa Pilo est ainsi une trouchia… mais à base d’oignons et de fleurs de courge, à Nice on parle plutôt de fleurs de courgette.
Son nom lui a été donné, parce que sa formule originale a été goûtée et appréciée par les membres de Nissa Pilo un vendredi soir, lors de leur repas hebdomadaire après les parties de pilou (voir les soirées Pilou ci-après).
Mon marché (pour 4)
- 6 œufs,
- 500 grammes d’oignons
- un bouquet de fleurs de courgette
- deux gousses d’ail
- romarin
- 5 cl d’huile de colza
- 2 cuillerées d’huile d’olive
- noix muscade
- sel, poivre
Je cuisine
Je coupe mes oignons en lamelles et je les dore dans une poêle avec l’huile de colza et une cuillère d’huile d’olive.
J’ajoute les gousses d’ail coupées en fines lamelles.
Je bats les œufs dans un saladier, j’effeuille le romarin.
Je sale, poivre et verse la pincée de noix muscade râpée.
Dans la poêle, j’ajoute les fleurs de courge, l’autre cuillère d’huile d’olive et je mélange le tout pendant deux minutes.
Je verse les œufs et je fais cuire du premier côté.
Je mets par dessus les deux dernières fleurs de courge à plat et je tourne l’omelette.
Je sers tiède.
Conseils de Giordan de la Peppa
Vous pouvez accompagner cette omelette de saousson.
Cette « sauce à la tomate » comme disent les Parisiens peut être faite rapidement. Dans une poêle, faites revenir de l’oignon et de l’ail finement hachés avec un peu d’huile d’olive. Ajoutez des tomates mures, un bouquet garni (laurier, thym, romarin), laissez cuire quelques minutes à feu doux. Retirez du feu, ajoutez une feuille de basilic, salez, poivrez.
Si vous ne connaissez pas le saousson, vous pouvez le gouter au restaurant A buteghina. Sophie, la maitresse des fourneaux en fait un particulièrement bon ! (voir ci-après).
Le contexte
Le pilou
Chaque été, la sympathique et dynamique équipe de Nissa pilo organise le vendredi soir à 18h30 des initiations au Pilou sur la Promenade des Anglais (niveau Plage Voilier, vers le boulevard Gambetta).
Seul équipement indispensable : des chaussures de sport.
Les adultes qui veulent à la fois parfaire leur forme et mieux connaître la Culture niçoise sont les bienvenus.
Un pique-nique niçois, sur la plage, préparé par chacun suit l’entraînement ; l’occasion unique de rencontrer des authentiques niçois, passionnés de partager leur regard sur leur ville. C’est à une de ces occasions que fut goûtée cette trouchia Nissa Pilo aux fleurs de courge.
Le pilou fut un sport très populaire de Nice à Menton dans les années cinquante à soixante-dix. Hitchcock l’a immortalisé dans son film La main au collet. Ces dernières années, il rencontre à nouveau un franc succès auprès des jeunes. On y joue dans les quartiers et dans les parcs des facultés. Coaraze, un charmant village de l’arrière pays, a organisé le week-end dernier les « XXVIème Championnats du monde » qui ont rencontré un immense intérêt.
L’hiver, un Championnat : la Liga du pilo se tient tous les dimanches au piloudrome du Mont-Boron.
Pour démarrer, une pièce trouée et un bout de sac plastique constituent un volant, appelé « Pilou » (Pilo en niçois). Celui-ci se jongle avec les pieds, la tête et le corps. Les mains sont strictement interdites sauf à l’engagement. Le but est de faire tomber le pilou dans le camp adverse dans un cercle tracé au sol !
Nombre de visiteurs et de niçois s’initient chaque année à faire virevolter la célèbre petite pièce.
Les « cours » sont sous la direction d’André Giordan dit « grand stratège » et de Ninou Bernardi, « pied d’or », anciens champions du monde, entourés d’une équipe de fins pédagogues : José Maria, René Bodenès, Christian Delobette, Jean Paul Robbi, Elie Gallo avec maintenant l’arrivée de jeunes Estelle Martinez et Jean-Pierre Trimbour.
Les participants gagnent facilement en dextérité et en agilité au cours des séances. Des pièces et les règles du sport sont distribuées gracieusement pour permettre l’entrainement chez soi !
La Promenade des Anglais
La Promenade des Anglais où se déroulent les initiations Pilou est à l’honneur cette année dans les musées niçois. Elle n’a pas toujours été dans l’état que nous lui connaissons. Au début du XIX siècle, c’était un modeste sentier « terreux et pierreux », nommé « chemin des Anglais », en l’honneur des premiers touristes qui le pratiquaient. Il reliait la rive droite du Paillon au faubourg de la Croix de Marbre. Il fut aménagé par la communauté anglaise hivernante et financé dit-on par le Révérend père anglican Lewis Way.
Le chemin prend le nom de Promenade des Anglais en 1854 et est prolongé jusqu’à Magnan, suite au projet de l’architecte François Aune. Seuls quelques rares touristes osent se mettre à l’eau, comme Tobias Smollett, médecin et voyageur écossais dont les lettres firent connaître Nice :
« Les gens furent très surpris lorsque je commençais à me baigner au début du mois de mai. Ils trouvaient curieux qu’un homme apparemment poitrinaire plongeât dans la mer, surtout par un temps aussi froid, et des médecins prévoyaient une mort immédiate. Mais lorsqu’il apparut que, grâce à mes bains, je me portais de mieux en mieux, des officiers suisses en firent autant, plusieurs habitants de Nice suivirent notre exemple »
Alex Benvenuto, Les tribulations de Tobias Smollett, bastian countrari écossais, Serre Éditeur, 2015.
Il faudra attendre le début du XXème siècle pour que la pratique du bain de mer se développe pour des raisons médicales, notamment pour guérir la tuberculose. Nice après Hyères devint une station thermale. Il était recommandé alors de « se baigner », c’est-à-dire de se tremper modérément dans l’eau de mer, « pas plus de dix à quinze minutes par jour », pas « plus de 5 fois dans l’année » et surtout « 3 heures après avoir mangé » !
Dans les années 1930, la saison estivale rejoint en importance, la saison hivernale. La pratique des bains se développe, les maillots raccourcissent, du moins relativement ! Le soir, on pique-nique sur la plage en famille avec pan bagnat et farcis, arrosés de gros rouge du Var.
Presque en face du piloudrome de la Promenade, on construit le Centre universitaire méditerranéen (CUM). Jean Médecin, maire de Nice, accompagné du professeur Maurice Mignon, avaient su convaincre le ministre de l’Education Anatole de Monzie de l’intérêt de créer un institut d’enseignement universitaire à Nice. Les étudiants niçois devaient à l’époque quitter Nice pour suivre des études supérieures soit à Aix qui demandait 5 heures de car, soit à Paris, éventuellement Montpellier pour la médecine
Ce Centre créé autour de Paul Valéry se propose en plus d’accueillir un public varié afin d’encourager la curiosité intellectuelle autour de la culture de la Méditerranée.
La Promenade se prolonge vers le Vieux Nice par le Quai des Etats-Unis.
En 1706, près la démolition du château et des remparts par Louis XIV, la préoccupation défensive des niçois se perpétue. Un dispositif de maisons avec terrasse est alors imaginé le long du bord de mer. Et en 1832, l’annexe du n°38 du plan régulateur d’urbanisme de Nice dit du Consiglio d’Ornato ordonne, le long de cette terrasse, l’aménagement du littoral en créant le quai du Midi (la riba dóu Miejour en niçois).
La municipalité du général François Goiran décide de l’appeler Quai des États-Unis en 1917 pour saluer l’entrée en guerre des États-Unis.
Les cartes postales de l’époque permettent ainsi de faire des (re)découvertes. On peut repérer l‘emplacement de la caserne des pompiers, avant la guerre de 1914, au niveau de la Galerie des Ponchettes.
Pour en savoir plus
Vous pouvez rencontrer André Giordan et José Maria le vendredi après-midi à 18h30 sur la Promenade des Anglais lors des initiations Pilou.
Par ailleurs, José Maria vous invite à venir connaître une partie de sa Collection lors du Salon de Tourrette-Levens du 9 août 2015 organisé par le Club cartophile de Nice et des Alpes-Maritimes qu’il préside.