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Véronique Champollion : « Lo viatge ver de Santa Reparata »

La matière princeps de Véronique Champollion est le papier. Elle l’utilise pour le mouler, le sculpter, le tordre, et créer toutes sortes de volumes.
Ses personnages de papier sont issus de son imaginaire foisonnant qui puise ses sources dans les contes, la mythologie, la culture populaire, où grande et petite histoire s’entrechoquent.

Née à Valence, Véronique Champollion suit les cours de l’école des Arts Décoratifs à Paris dont elle sort diplômée en 1981. Elle se spécialise d’abord dans le dessin animé avant d’entamer une œuvre prolifique, multiforme et multi techniques : peintures, sculptures (en papier mâché surtout) photos, photos repeintes, utilisation d’objets de récupération, gravures (sur une presse à roues impressionnante). Sa maîtrise des techniques est remarquable.

Tout commence sur des papiers neufs où sont d’abord posés ses mots, ses croquis, ses dessins.

Elle écrit des histoires, invente des personnages, leur donne un caractère, une personnalité puis les rend agissant.
Après les avoir imaginés, écrits, décrits, dessinés, elle les met en volume. À ses personnages nés sur le papier en deux dimensions, une nouvelle vie leur est donnée : ils se transforment alors en sculptures.

Depuis trois décennies, des milliers de figurines sont nés de ses mains, de son imagination, de son rapport avec l’histoire de l’art ou l’histoire tout court qu’elle revisite avec humour.

Sa dernière œuvre, un livre illustré, une originale Bande Dessinée racontant à sa manière l’histoire de Sainte Reparate, une sainte très connue à Nice dont la cathédrale porte son nom.

Cette sainte est également la patronne de l’ancienne cathédrale de Florence sur laquelle a été construite Santa Maria del Fiore dont le dôme, le « Duomo » du XIIIe siècle est célèbre mondialement. Il est le plus grand du monde avec 45,5 mètres et considéré comme le premier monument marquant le début de l’architecture de la Renaissance.

L’histoire de Santa Reparata est celle d’une toute jeune fille de 17 ans martyrisée pour sa foi chrétienne, mais sauvée par des miracles : mise au bûcher, une averse opportune l’empêche de brûler, on lui fait ensuite boire de la poix bouillante, mais elle survit. Finalement, elle est décapitée et son corps placé dans une barque devant la ville de Césarée où elle est née. L’embarcation dérive sur la Méditerranée avant d’atteindre les côtes niçoises et être ramenée sur le rivage par des anges. Ses restes furent ensevelis dans une chapelle située à l’emplacement du Vieux-Nice actuel avant d’être déposés dans la cathédrale Sainte-Réparate en 1690.
Ses principaux attributs sont la colombe, parfois sortant de sa bouche, la palme du martyre, un livre ou encore la bannière de la Résurrection.

Selon la légende, c’est une colombe qui aura guidé sa barque, mais Véronique Champollion, après avoir longtemps cherché comment le bateau a pu naviguer seul au gré des vents pendant des semaines, a eu l’idée que ce sont très probablement des goélands « endurants et expérimentés » qui ont dirigé le bateau.

Elle se poursuit en nissart, mais aussi dans un grand mélange de langues, car à l’époque de la sainte, la Méditerranée était un « Babel de langues » : les gens arrivaient néanmoins à échanger et se comprendre malgré leurs différents dialectes : latin, grec, provençal, arable, anglais, monégasque, et bien sûr en nissart que l’artiste-auteur n’hésite pas à reprendre dans ses nombreuses citations

L’histoire de la sainte, complètement revisitée est transformée en odyssée qui commence par une tempête monstrueuse, puis une attaque de pirates qui seront chassés par des goélands venus à sa rescousse. Elle rencontrera ensuite le bateau de Thésée transportant la dépouille du Minotaure, Ulysse sur sa barque, un perroquet, et une colombe qui ayant passé tout le voyage dans la cale à commenter ou traduire l’action en français, fait mine de les guider sur le rivage de Nice.

Chaque planche est pensée et originale, il y a même une consacrée à la description détaillée du bateau. Toute cette histoire est racontée dans un style hilarant à l’aide de photos, de dessins, de collages.

« Lo viatge ver de Santa Reparata », Ichnos Editions, 22 €

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