Fondation Vincent van Gogh Arles- "Couleurs du Nord, couleurs du Sud"
– Jusqu’au 31 août
Une scénographie simple, lumière douce pour permettre une meilleure intimité avec les œuvres, les murs colorés (couleurs de Gary Hume), parfois excessivement. Une approche donc sous le signe de la couleur.
Elle est plutôt sombre dans la période hollandaise. La palette de Vincent est encore influencée par celle de ses aînés : Israëls, Mauve, Weissenbruch, etc., présentés sur le mur d’en face. Suivent quelques œuvres parisiennes (une allée, un bouquet de fleurs) avec en regard les estampes japonaises que Vincent avait découvertes à Anvers et collectionné à Paris. Les aplats colorés, les profondes perspectives et les couleurs vives de ces "japonaiseries" (comme il les appelait) l’ont enthousiasmé. Elles joueront un rôle important dans l’évolution de sa palette.
Sa riche période parisienne est aussi due aux importants échanges avec ses amis peintres dont quelques peintures sont présentes : Émile Bernard, Guillaumin, Pissarro (un superbe bouquet).
Descendu pour le Sud à la recherche de lumière, de soleil, de mer bleue, il découvre un "pays aussi beau que le Japon pour la limpidité de l’atmosphère et les effets de couleur gaie".
Au retour des Saintes Maries de la Mer où il a passé une petite semaine, il écrit à Theo : "mon regard a changé, on voit autrement la couleur" puis il évoque ses nouvelles réflexions sur la couleur qu’il ne faut pas hésiter "à outrer davantage". Le Van Gogh célébré aujourd’hui des tournesols, des ciels de nuit, des portraits, etc., était né.
L’exposition est trop courte pour montrer et expliciter ce passage des "couleurs du Nord" à celles du Sud, mais les quelques œuvres majeures présentées sont réjouissantes : la fameuse Maison Jaune (cf Photo de Une), au contraste bleu-jaune éblouissant, le cabane des Saintes et surtout, le Zouave, une peinture charnière, celle dont il dit qu’il s’est "foutu de la vérité de la couleur".
"Van Gogh Live"
La majeure partie de l’exposition inaugurale est consacrée à une dizaine d’artistes choisis "en résonance" avec l’œuvre de van Gogh.
Sur le mur, la phrase en néon de Betrand Huws qui nous accueille donne le ton sans convaincre : "Les artistes interprètent le monde, nous interprétons les artistes".
À l’interprétation, toujours réductrice, est préférable l’analyse, le dépliement, la déconstruction qui nous permet de mieux voir "les choses derrière les choses" (Vincent dixit).
Ce qui est intéressant, c’est de savoir comment c’est fait, pourquoi c’est fait, qu’est-ce que ça raconte de l’artiste ou du monde, comment cette œuvre se situe sur son parcours, etc.
Face à cette phrase, une salle où on projette un film du même auteur. Le texte qu’on entend frappe tout de suite par sa beauté. C’est Zone, un texte d’Apollinaire de 1913, où il dépeint des paysages, des villes, les pays traversés. À l’écran, un reportage animalier avec des marais et des oiseaux. Ça fonctionne par moments, mais le texte écrase les images qui sont vite ennuyeuses.
Dans les salles suivantes, des dessins rapidement faits de Bruère (dont un a été réalisé lors d’une performance en prélude à l’ouverture) ainsi que des croquis colorés de tableaux du Louvre sont une référence peu pertinente aux portraits que Vincent plaçait au-dessus de tout. À l’étage, sont présentés d’autres portraits plus intimistes et attentionnés de Camille Peyton.
Deux grandes pièces sont occupées par l’installation de Hirschhorn, qui, à son habitude, a créé un univers sursaturée d’images : reproduction de tableaux, citations écrites à la main sur des bouts de carton, livres scotchés sur des tables, coussins, parasols, sacs, foulards, tissus imprimés de tournesols, etc., une installation dense, éclectique, utilisant à l’excès le papier aluminium, un chaos de "vangogheries" qui renvoie à la célébrité de Van Gogh et à tout ce qu’elle a entraînée.
Dans l’ancien escalier, le percussionniste Fritz Hauser a conçu une installation plastique et sonore. On entend le son de la pluie. Les murs sont couverts de coulures noires et blanches ainsi que de hachures évoquant la pluie, une référence sans doute aux tableaux de pluie de Van Gogh.
Si la pluie pu l’inspirer, l’élément naturel dont il parle le plus, celui avec lequel il s’est longtemps battu, c’est le vent.
Dans beaucoup de peintures on le sent présent : dans le balancement des cyprès, dans le scintillement des feuilles d’oliviers, etc. À quand une installation sur le vent ?
Enfin un hommage à sa mesure.
Les ikebana de Camille Henrot dégagent une ambiance sereine où le charme opère enfin. Elles sont en parfait dialogue avec les œuvres de Van Gogh. Cette pièce fait penser à l’autoportrait en bonze, à son amour pour le Japon, à son idéal de simplicité, de vérité.
Des belles terrasses dominant les toits de la vieille ville, on voit mieux les verres de couleur de Raphael Hefti qui couvrent l’avancée du toit. Un genre de kaléidoscope géant dont les couleurs varient avec la lumière.
Sur le portail de l’entrée qui ouvre sur une cour carrée, une imitation de la signature de van Gogh à laquelle Bertrand Lavier, l’artiste qui l’a conçue, a rajouté quelques courtes touches de peinture jaunes et noires sur fond blanc.
Malheureusement, lorsque les portes sont ouvertes, la signature est coupée en deux. On lit : "vin" "cent" (on peut entendre "vint - sang", "vingt cent", "vain et sans"..) Il avait déjà supprimé son patronyme - et ne signait que Vincent – voilà qu’on coupe son prénom en deux !
Une impression mitigée de l’ensemble de l’exposition se dégage. Pas assez d’œuvres de van Gogh, des artistes contemporains, à part Henrot, qui répondent mal au "dialogue fertile" annoncé, pas de surprises.
La librairie au cœur du dispositif muséal est pauvre et triste, sans pensée organisatrice. Il y a de tout partout, des livres de poche écornés flottant sur des tables disparates. Quant au merchandising soit disant réalisé avec des artisans locaux, il y a d’affreux trucs en plastique jaune, genre tournesols avec une loupiote au milieu, plus laid et plus ringard, c’est difficile. Dans le genre vangogheries, on atteint le pire...
Cette belle bâtisse qui porte le nom de Van Gogh devra bientôt accueillir d’autres expositions. La Directrice, Bice Curiger, par ailleurs Rédactrice en chef de la revue Parkett et Commissaire de la Kunsthaus de Zurich, entend mener une confrontation d’artistes contemporains à l’œuvre de Van Gogh dans le but de créer cette émulation que Vincent souhaitait avec sa Maison Jaune.
Le lieu est superbe et promet de belles expositions.