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EXPOSITION TEMPORAIRE : « Vedanta Project », Roland Kraus - ATELIER PIANO 37, avenue de Cannes, 06220 Vallauris, du 20 nov. au 4 déc. 2010

« Vedanta Project » : le titre choisi par Roland
Kraus pour l’exposition qui montre pour
la première fois en France quelques jalons
marquants de son long parcours artistique est
aussi celui qu’il donne, depuis son séjour en Inde
de 1972, à l’ensemble de ses travaux de gravure,
peinture et sculpture.

Dans le vide médian

Titre d’emblée paradoxal, qui associe le Vedanta,
doctrine basée sur la dernière partie des textes
du Veda (principalement les Upanishads), dont
l’enseignement traditionnel, du domaine de la
métaphysique pure, est immuable et intemporel,
au terme moderne de Project, qui suggère l’idée
d’une oeuvre en perpétuelle évolution, d’un
« work in progress », à la manière des suites
d’Improvisations chez Kandinsky, ou de l’univers
sonore de jazzmen tels que John Mac Laughlin
ou Wayne Shorter.

Cette contradiction se résout, si l’on envisage
les différentes étapes du Vedanta Project comme
autant de tentatives plastiques d’approches de
la Connaissance. Car le Project procède d’une
expérience fondamentale, qui associe deux des
aspects sensibles de la vibration rythmique, le
son et la vision : analogiquement, les Upanishads
font partie de la Shruti, mot qui désigne l’intuition
intellectuelle immédiate et dont le sens premier
est audition ; quant à Veda, le terme vient de la
racine vid, qui signifie voir et savoir.

L’artiste tenta d’abord de rendre compte de cette
expérience par les lithographies des années
1975-1980, qui en donnent une représentation
symbolique par un langage géométrique et
figuratif, puis par les oeuvres abstraites qui en
mettent en oeuvre le dynamisme, en une suite
de peintures où Roland Kraus, tel un calligraphe
chinois, « s’adosse au Yin, serre contre sa poitrine
le Yang » (Tao Tö King, 42) pour laisser le Chi,
énergie et souffle du dragon, conduire sa main
et accomplir le geste juste.

Le rythme qui préside à cette expérience est
ce même rythme qui retentit depuis le moment
originel où les souffles du Ciel-Terre ont donné
naissance, par condensation ou expansion, à la
totalité du cosmos (ce que la tradition chinoise
nomme les dix mille êtres). La peinture de Roland
Kraus rend sensible ce jeu des souffles, au gré
des attractions et des répulsions, dans le vide
médian, auquel correspond l’espace réservé de la
feuille blanche, de la toile vierge ou du Fabriano
noir.

Entrer dans une peinture de Roland Kraus,
c’est donc participer symboliquement à la genèse
et à l’animation des formes du monde, selon les
polarités contraires du Yin/Yang, des courants
de « Kundalini » (dessin de 1982), ou du couple
« Shakti et Shiva » (relief de 1995).

« Nicht eingreifen » : ne pas intervenir ! Comme
dans la toile « To be or not to be », la main se
tient à distance : c’est le non agir qui permet que
tout s’accomplisse. « Wissen und Nichtwissen
umkreisen ein Ziel : Savoir et non savoir
encerclent une cible » : la pensée discursive
et l’intuition intellectuelle concourent à la
recherche d’un même but, où discours et images
ne peuvent qu’aider à concevoir l’inexprimable.
L’énergie qui anime les oeuvres de Roland Kraus
ne s’est pas révélée à lui par l’étude mais par
la méditation ; de même nous émeuvent-elles
non par un contenu programmé mais par leurs
rythmes internes.

« Le nom des Upanishads indique qu’elles sont
destinées à détruire l’ignorance en fournissant
les moyens d’approcher de la connaissance
suprême », écrit René Guénon. Les étapes
du Vedanta Project sont celles d’un combat
contre les vecteurs de cette ignorance, dogmes
extérieurs ou désirs subjectifs.

La sculpture

« Dernier avertissement ! » désigne clairement
les adversaires majeurs que sont le narcissisme
et les pièges de l’ego ; comme dans les arts
martiaux, le plus grand combat est ici de se
vaincre soi-même. Les lumières illusoires du
« Bardo » (toile de 1993) retiennent l’être en
chemin vers la délivrance, comme les formes
chatoyantes du monde dans le triptyque « Han
Shan », hommage au moine et poète chinois,
dont le volet supérieur se dépouille au profit
d’une ténèbre lumineuse qui est celle de la
vision intérieure, loin des sollicitations brillantes
de l’Histoire.

De celle-ci, Roland Kraus connut très jeune
les violences meurtrières, dont témoignent les
formes carbonisées des « Totems de deuil pour
une vie debout », et les routes de l’exil, en une
nouvelle « Anabasis » (l’Anabase de Xénophon
est le récit d’une retraite à travers des pays
hostiles). Routes où il lui fallut se guider sur
l’Etoile du Nord, symbole polaire, après avoir
fait en lui le vide, démarche qu’attestent ses
sculptures telluriques, rendant sensible le champ
magnétique terrestre, « Testa vuota / Tête vide »
et « Omphalos ».

Les peintures « Résurrection », « Transit », ou
la sculpture sonore « Bethel » correspondent à
la conception orientale de la mort comme point
de passage entre deux états de l’être, selon un
mouvement vertical signifié par l’échelle de Jacob
(présente dans « Bethel » et « Anabasis »). Dans
« Requiem », oeuvre dédiée par l’artiste aux amis
disparus et plus particulièrement à notre cher
Edmond Vernassa, la combustion des scories de
l’ego permet l’accès, au point d’intersection des
lignes qui est aussi point de retournement , à la
perfection minérale du cristal, dans une lumière
qui est celle de la Permanence. Car tourner l’ouïe
vers l’intérieur pour « écouter sans entendre »,
et la vue vers la nuit obscure pour « regarder
sans voir », c’est préparer le « retour au sans
formes » (Tao Tö King 14).

Chez Roland Kraus, les rythmes et les couleurs
(qui renvoient par analogie à l’expérience
sonore) semblent n’être là que pour rappeler
que la musique la plus haute est celle du silence,
les formes et les nuances les plus pures celles
qui se résolvent dans la transparence.
- Jacques Simonelli
 Moëlan-sur-Mer, Août 2010
 Bibliographie : L’homme et son devenir suivant le Vêdânta, René Guénon,
1925 ; Tao Tö King, traduction Claude Larre s.j., 1977.

Roland KRAUS

Né en Bohème du Nord en 1942, il vit et travaille en France depuis 2004.
1960 - 1965 études de peinture, d’arts graphiques et de l’histoire de l’art aux Ecoles
des Beaux Arts de Stuttgart et de Berlin.
Décorateur de Théâtre ( Württembg. Staatstheater Stuttgart ).
Enseignant de lithographie artistique, expert-conseil auprès des conservateurs
des Musées d’Etat de Berlin et du Ministre de la Culture de Berlin.
Co-fondateur du « Gruppe 70 » et de la « Galerie Auf Zeit » à Berlin.
Expositions personnelles et nombreuses participations en Allemagne, Autriche,
France, Hongrie et Belgique. Membre du collectif stArt, Nice, France.

 1996 « + - 0 » Galerie LES CONTEMPORAINS, Bruxelles,
création d’une vidéo L’ART D’APPRIVOISER LE BUFFLE, bande
sonore « sculpture musicale » créée par Bruno Libert,
basée sur l’objet sonore DAVID, ROI de l’artiste
 1999 CENTRE CULTUREL BELGIQUE-CHINE, Bruxelles
 2003 Galerie LES CONTEMPORAINS, Bruxelles
 2010 « Vedanta project », Atelier PIANO, Vallauris

Exposition de dessins, peintures, sculptures et installations du 20 nov. au 4 déc. 2010
ATELIER PIANO
37, avenue de Cannes, 06220 Vallauris, tel. : 04 93 64 21 02
Vernissage Samedi 20 novembre, 11 h

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