On a tout dit sur cette Nana née de parents aristocrates.
La rétrospective qui lui est consacrée lève le voile sur la part d’ombre qui entoure son œuvre.
Niki de Saint Phalle est née en 1930, élevée dans la soie selon les codes de la bonne société new-yorkaise. Malgré la petite cuillère d’argent dans la bouche, Catherine Marie-Agnès Fal de Saint Phalle dite Niki connaît pourtant un destin loin de la vie laquée-marbrée qui est censée lui être dédiée.
Port de tête altier, regard immensément clair azur, elle exerce dans le mannequinat.
Mais, le côté factice de cette profession basée sur l’apparence correspond peu finalement à son profil de femme intelligente et cultivée. Elle tourne le dos à une vie bourgeoise. L’art sera son sacerdoce. "Peindre calmait le chaos qui agitait mon âme. C’était une façon de domestiquer ces dragons qui ont toujours surgi dans mon travail..."
Dotée de sa double culture, française et américaine, autodidacte, elle signe ses premières toiles dans un style Dubuffet, mêlé à l’esprit des Drippings de Pollock ou bien encore aux Combine paintings de Jasper Johns et Robert Rauschenberg. Finalement, les Nouveaux Réalistes dont Pierre Restany le mentor d’Yves Klein, d’Arman, l’accueillent à bras ouverts. Elle sera la seule femme de ce mouvement européen des années 60 et précurseur du Pop Art.
Niki de Saint Phalle est dotée d’un tempérament carabiné.
Elle recouvre des surfaces verticales de plâtre blanc, symbole de pureté. Puis elle y ajoute des objets hétéroclites avant d’y poser des poches remplies de couleurs vives. Vient le geste magistral où armée d’une carabine, elle vise les sacs dont la couleur se met à dégouliner sur la toile. Le geste est vengeur. Ses Tirs alliés à des performances en disent long sur sa rage de vivre, son désir de vengeance vis à vis de la politique, de la société misogyne et surtout ainsi elle tue virtuellement le père incestueux qui l’a violée dans son enfance.
Niki de Saint Phalle, l’enfant martyr, la rebelle est aussi militante.
Influencée par la lecture du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir "On ne naît pas femme, on le devient", elle défend la cause féminine, montre du doigt la femme-objet portant des bigoudis et des robes bigarrées mais elle est aussi en admiration devant la maternité. Une de ses amies enceinte lui donnera l’idée de ses Nanas, ces femmes au ventre rond, colorées qui feront la renommée planétaire de l’artiste.
De grands projets architecturaux verront le jour avec son compagnon Jean Tinguely.
Tous deux signeront la Fontaine Stravinsky à l’espace Pompidou. Niki de Saint Phalle est à l’apogée de son art lorsqu’elle érige Le Jardin des Tarots en Toscane. Tout l’imaginaire d’une des artistes les plus connues du 20è siècle est là dans ce parc de sculptures représentant les 22 arcanes majeurs du jeu divinatoire où elle décode le sens de son existence.
Plus impressionnant encore, son Hon (qui signifie Elle en suédois). Imaginez le tableau de Courbet, L’Origine du monde représentée en sculpture géante et colorée dans laquelle on entre. Dans ce sexe de 27m de long, 9m de large et 6m de haut, présenté en 1960 à Stockholm, qualifié de cathédrale éphémère, le public à l’intérieur s’approche d’un milkbar et d’un banc pour amoureux...
Cette œuvre a disparu, Niki de Saint Phalle aussi, elle s’est éteinte en 2002 après avoir fait une donation importante au MAMAC.
Elle laisse dans son sillage une artiste féministe, idéaliste, effrontée et clairvoyante, témoin virtuose de sujets légers et graves.