Dominique Ghesquière
Au lieu de forger un décor spectaculaire au moyen d’expédients pauvres, Dominique Ghesquière inverse
la farce du trompe-l’oeil. Elle refabrique ou fait refabriquer en usine ou en atelier – l’émerveillement
technique doit rester secondaire – des objets ordinaires (vaisselle blanche, mobilier basique, outils de
bricolage, échafaudage, etc.) dans des matières inadéquates ou portant les traces d’une usure artificieuse.
Tandis que les assiettes arborent dès leur cuisson des entailles de couteaux, escabeau supplante l’aluminium
léger de l’objet industriel par du biscuit de faïence, intouchable, blanc et cassant. L’objet contrarie ainsi
notre habitude à substituer à la compréhension progressive du monde sa reconnaissance instantanée.
Mais, l’opération, autrefois automatique, par laquelle on déduisait d’un verre qu’il était en verre, ou d’une
brique qu’elle était de terre, est à présent révisée par la diversification de matériaux, ersatz caméléons.
Les objets de Dominique Ghesquière contraignent le familier à se dérober insensiblement : formellement
identiques, matériellement autres, ils piègent notre prétention à vouloir voir et comprendre simultanément.
Le merveilleux n’a pourtant pas déserté son travail. Il s’agit plutôt d’un étonnement infiltré au commun,
plus proche du sentiment d’étrangeté que du fantastique. L’artiste ne prélève pas du réel des objets
ready-made, mais en transpose les formes dans des matériaux impropres à l’usage. Les objets qu’elle
choisit de refaire (ou de faire refaire) ne sont ni des babioles, ni des curiosités, mais des choses de la vie
courante.
Les oeuvres de Dominique Ghesquière éternisent un geste suspendu. Suspension, soit de la finition de
l’objet, interrompue malgré la persistance d’un « défaut de fabrication », soit de son usage, interdit par
la fragilité de la matière. Intouchables, elles affichent pourtant la mémoire d’un contact. L’observation
et la compréhension sont également immobilisées par la contradiction des apparences : une flaque
vraisemblablement d’eau, en réalité d’époxy, résiste à l’évaporation ; des gouttes de pluie, en fait de
verre, perlent aux carreaux d’une fenêtre sans jamais s’écouler (pluie permanente, 2003). Le travail de
Dominique Ghesquière suscite des aberrations, des erreurs de jugement dues à un illusionnisme discret
mais sournois. Il nous invite à aiguiser notre perception, pour détromper notre compréhension hâtive
et mécanique des choses.
– À partir de textes de Hélène Meisel (exposition Penser rêver, 21 nov.-23 déc. 2009, Galerie Chez Valentin ;
notice du Frac Bourgogne sur l’artiste, 2010)
http://dominique.ghesquiere.free.fr ; http://www.galeriechezvalentin.com ; http://www.frac-bourgogne.org
LES EDITIONS P
C’est chaque fois une joie de voir devant soi les quatre cents volumes exactement
identiques.
Ed Ruscha
Le livre est une chose hors du commun.
– depuis plus de cinq cent ans, il n’a pas changé.
– chacun, dans le monde sait s’en servir (en principe au moins).
– on le met sur un bureau, dans ses mains, sur ses genoux.
– on l’ouvre.
– on feuillette les pages de gauche à droite ou de droite à gauche.
– on le referme.
– on le range sur l’étagère où il va rester.
Voilà ce qu’est la technologie du livre, mais comment les livres agissent-ils ?
– de manière lente et durable.
– partout et nulle part.
– de façon intime et directe.
– de façon autonome et indépendante
– toujours et pour toujours
Christoph Keller
– Les éditions P ont débuté leurs activités en 2006, elles sont dirigées par Denis Prisset. De 2006 à 2009
elles ont publié une vingtaine de posters d’artistes en grande série. Depuis 2008 elles se consacrent
en majorité à l’édition de livres d’artistes et de monographies dans le domaine des arts visuels (onze
ouvrages à ce jour), tout en poursuivant l’édition de multiples d’artistes (posters et objets).
Les éditions P sont un projet de création. Il ne s’agit pas de reproduire l’art mais de fournir aux artistes
les différentes techniques de l’imprimerie moderne et la technologie du livre comme matériau de travail.
Très attentifs à la direction artistique et aux étapes de fabrication, nous accompagnons les artistes de
la formalisation du projet éditorial à sa sortie machine. Le plus souvent possible les artistes sont invités
à faire des expérimentations inédites dans les domaines de l’édition (avec la collection Sec au toucher
par exemple). Il s’agit de considérer le livre d’artiste comme un livre parmi les autres. C’est ainsi que
certains artistes conceptuels des années 60 ont replacé leurs productions éditoriales dans le champ
du livre ordinaire, ne cherchant pas à distinguer cette production par son originalité mais par son
conformisme.
Nous souhaitons fabriquer une adéquation fine et concertée entre les projets de création et un ensemble
de règles et canons propres aux divers domaines de l’édition pour produire des objets autonomes, en
série. Les publications monographiques sont conçues selon la même approche.
Les éditions P sont un projet de l’association P.
Les ouvrages des éditions P sont distribués en librairies par R-Diffusion.
Informations et documentation : http://www.editions-p.com