Pendant vingt ans, une maison d’éditions niçoise , Z’éditions, a beaucoup œuvré pour l’art et les artistes à Nice. Son directeur, Alain Amiel, toujours très discret, artiste lui-même, a publié de très nombreuses monographies : de Gustav Adolph Mossa qui travailla dans le symbolisme (1903 à 1917) -ses personnages étranges et inquiétants, notamment ses femmes étonnent encore aujourd’hui- avant de se centrer sur les maquettes de chars de carnaval, aux plus contemporains comme Arman, Ben, Mas…
« L’Ecole de Nice n’est pas une école au sens classique, elle ne regroupe pas des artistes défendant une même conception de l’art ou un regard sur le monde. Elle ne concerne pas, non plus, des individus nés à Nice ou vivant à Nice. Beaucoup arrivent de la région ou d’ailleurs, venus à Nice pour participer à un bouillonnement d’idées. Ils ont souvent répondu à des invitations à des expositions ou des performances. Ils s’y sont plu, ont pris racine, ou ont simplement passé quelques années avant de continuer leurs pratiques ailleurs.
La problématique un peu désuète : « Qui porte ou pas le label « Ecole de Nice » est obsolète et concerne les marchands (ou les Institutions) plutôt que les artistes. Pourquoi ne pas accepter simplement que l’EN est un regroupement de créateurs né à Nice autour de quelques
acteurs majeurs.
(…) Plusieurs mouvances ne se réclamant pas de l’EN (la nourrissant souvent) ont pendant ce temps co-existé : poètes, musiciens, revues culturelles en langue niçoise, auteurs de bande dessinée, etc., ont participé à ce bouillonnement d’idées qui continue de nos jours. Les « nouvelles générations » se succèdent avec plus ou moins de réussite, et l’intérêt pour l’art ne semble pas faiblir, il trouve même de nouveaux publics... A suivre...
Alain Amiel, in A. Biancheri, A. Giordan, L’école de Nice, Ovadia, 2007
On peut citer encore Alocco, Serge III, Chubac, Sosno, Nivèse, Mendonça, Villers et Guy Rottier. Parallèlement, des thématiques importantes sur les mouvements principaux de l’art ont été éditées : Surréalisme, Art Brut, Fluxus, Art conceptuel, etc.
Le point de départ
Alain Amiel commença avec des amis par monter une radio associative. Sa radio libre, très avant-gardiste, créée lors de la libération des ondes en 1981, proposait nombre d’interviews de créateurs de la deuxième et troisième génération de l’Ecole de Nice. Par la suite, son action multiple et complémentaire, le conduit à tenir à bout de bras successivement deux maisons d’éditons : AM puis Z’Editions.
Cette dernière fut particulièrement active et efficace pour faire connaître les artistes de l’Ecole. Chaque année de 1988 à 2001, elle édita un Guide de Nice, puis un Guid’Art de la Côte d’azur, largement illustré d’oeuvres de l’Ecole de Nice.
Suite au succès de l’Or bleu ou le roman de l’Ecole de Nice de Jean Mas (voir Chronique 17), il créa une Collection consacrée aux plus jeunes : Z’Artistes. Sans discrimination pour dire qui était de l’école ou pas, la Collection Z’artistes a publié des monographies de Ducorroy, Martinel, Bouderbala, G. Martin, Granjabiel, Angel, Chamant, Viguier, Loublières, Altmann, M.-E. Collet, Geneviève Martin, Pédinielli, Mendonça, Taride, André Villers, Chantal Villers, Taride, Serge III, Sonia Guérin, Fred Forest, Ninon, Fujitsang, Lalou, Scarpa, Jani, Andréatta, Jean Arnaud, Martinel, Pineau, Ultra Violet, Lanneau, Ninon, Romani, Guy Rottier, Pedinielli et Farioli... C’est également cette maison qui édita le livre remarquable –et trop mal connu des critiques d’art- de Guy Champaillier sur l’Art-processif (1997).
André Giordan - Comment est née votre passion pour l’Ecole de Nice ?
Alain Amiel - Suite à la libéralisation des ondes par Mitterrand en 1981, nous avions monté une radio locale, Radio Nemo. J’animais une émission de Rock and Roll, et j’avais invité Jacques Lepage - connu à Coaraze en tant que poète. Il m’a mis en contact avec Ben, puis avec Jean Mas que j’ai interviewé. Mas fit une intervention sur les ondes avec une recette de « ratatouille froide ». Il faisait des bruits à la manière de John Cage : couler de l’eau, froisser un papier, tousser devant le micro. J’ai été scotché par cette grande créativité qui détonnait à l’époque. J’ai invité de proche en proche la plupart des artistes de Nice.
AG - Comment êtes-vous passé à l’édition de leurs écrits ?
AA - Cette époque fut une période de grand changement pour moi. En même temps que la radio, j’ai créé ensuite une maison d’édition avec mon frère. En 1982, j’ai publié mon premier livre, un Guide de Nice et j’avais demandé à Ben de me faire la couverture. J’ai ensuite enchaîné avec le livre de Jean Mas, L’Or Bleu.
Pendant 20 ans, je n’ai plus arrêté. Plus de 60 livres avec des artistes. Avec Ben, j’ai réalisé une dizaine de livres depuis "Pas d’art sans vérité". Avec Arman, 3 livres, plusieurs avec Mas, Villers, etc...
Au "Guide de Nice" s’est rajouté un Guide de l’Art contemporain, le "Guid’Arts" qui chaque année présentait les lieux et les artistes de la région. A les revoir aujourd’hui, c’est comme un inventaire des tendances de l’année. Dans ma maison d’édition, j’ai profité du bel espace Rue Bavastro, puis rue du Lycée pour organiser des expositions, des performances, des interventions poétiques, littéraires ou même astronomiques. Elle est devenue dans les années fin 80 et tout 90 un lieu de rencontres artistiques, mais pas seulement...
AG - Votre ensemble de publications est maintenant une mine de données pour les historiens de l’Art. Que vous a apporté personnellement cette Ecole ?
AA - Pour moi, tout me paraissait délirant ! Entre un Gilli qui faisait courir des escargots, Ben qui écrivait n’importe quoi n’importe où, Chubac qui se limitait à des couleurs simples, Alocco qui tissait des tissus, des cheveux ou détramait des toiles, un Arman qui démontait ou assemblait, un César qui compressait, Sosno qui oblitérait, etc.. On fut là devant une créativité multiple, unique dans un seul lieu. Exceptionnel de vivre cela. Une fusion créatrice !
La suite…
Par la suite, une galerie d’art fut incluse dans la maison d’édition, d’abord rue Bavastro au Port, puis rue du Lycée. Ont été présentés dans ses locaux : Andréatta, Ben, Bianchéri, Champailler, Fred Forest, Anne Gérard, Ultra Violet, Lagalla, Lanneau, Lalou, Mas, Martinel, Ninon, Romani, Guy Rottier, Pedinielli et Farioli, etc.
Son éclectisme lui fit organiser également des lectures poétiques, des concerts, des performances en tous genres, de Jean Mas, Ben, Lagalla aux Frères Azoulay et leurs amis, etc..
La Bande Dessinée a été bien représentée avec Mandryka, Baudoin, Troubs, Kato, Kamel Khélif, Boudjellal, etc. sans compter la psychanalyse avec Trames en vogue à l’époque, les sciences avec Alliages à une époque, et surtout l’épistémologie et la didactique des sciences. En fait pendant 20 ans, Z’Editions fut un lieu de rencontres et d’échanges, de convergences pluri-disciplinaires, connues et reconnues sur le plan international.
Z’éditions avait vocation de devenir un lieu de synergies et de rencontres. Malheureusement peu aidée sur le plan local, l’aventure s’est arrêtée au début des années 2000. Il n’en reste pas moins que le corpus de livres et de documents édités par cette maison, grâce à la curiosité, au dynamisme et au besoin de partager d’Alain Amiel , sera bientôt une ressource incontournable pour comprendre l’apport de l’Ecole de Nice... Mais pas seulement, ces Collections reflètent ce formidable vent de créativité que fut Nice à la fin du XXème siècle…
Alain Amiel vient de faire paraître Performas, 40 ans d’Art d’Attitude, Ed. Ovadia, 2010. Ce livre rassemble 40 années de performances de Jean Mas. Depuis ses premières performances
« Fluxus » avec Ben et Serge III, Jean Mas n’a cessé de travailler une très riche et prolifique matière artistique mêlant discours, gestes, oeuvres et humour. L’impressionnante quantité de documents collectés - photos, témoignages, articles de presse, etc.- permet de retracer dans ce recueil spécifiquement consacré aux « PerforMas » de l’artiste, un parcours créatif et décoiffant, jalonné par de multiples performances réalisées tant en France qu’à l’international…
(Suite à la prochaine chronique)
1 - Dès sa création, art, sciences, pédagogie et psychanalyse se sont imposés dans son catalogue, façonnant son identité. D’autres collections se sont ensuite développées : Poésie, Bande Dessinée, Cuisine, littérature, etc.. Les thématiques régionales ont aussi été toujours présentes : Guide de Nice, Cuisine niçoise, Livre du Pilou, Mira (chansons régionales) et, en langue d’Oc, des recueils de poésie des plus grands poètes et écrivains niçois (J-L. Sauvaigo, A. Pelhon). Des revues sont nées ensuite : scientifique (Alliage), psychanalytique (Trames), de poésie, de linguistique, de rock. En une vingtaine d’années, plusieurs centaines d’auteurs ont été publiés. Du premier livre édité, un Guide de Nice, au dernier : Nietzsche à Nice, ses ouvrages furent ancrés dans un lieu, une ville riche de grands auteurs, de scientifiques ou d’artistes reconnus mondialement.
2- Aujourd’hui Alain Amiel est devenu un spécialiste incontesté de Van Gogh qui traduit une nouvelle mutation dans sa vie. http://www.alainamiel.com/
http://www.dailymotion.com/video/xd...
Les chroniques précédentes
Chronique 1
Chronique 2
Chronique 3
Chronique 4
Chronique 5
Chronique 6
Chronique 7
Chronique 8
Chronique 9
Chronique 10
Chronique 11
Chronique 12
Chronique 13
Chronique 14
Chronique 15
Chronique 16
Chronique 17
Chronique 18
Chronique 19