| Retour

Chapitre 76 : Simone Dibo-Cohen (Part V)

Entre Anges et Démons chez Suzy Solidor, dans l’exposition de l’UMAM
Dans la salle Suzy Solidor de la Biennale de l’UMAM intitulée « Mises en scène », accueillie par le Château Grimaldi et sa conservatrice Cécile Bertran, et dont Simone Dibo-Cohen a été le merveilleux commissaire d’exposition, les Anges de Nivèse sont au confessionnal. Blancs et noirs, ils sont alignés de part et d’autre d’une grille noire, imaginons ce que les uns et les autres peuvent raconter sur le bien et le mal. Mais à propos de chemins à travers l’histoire et la géographie, des anges de Nivèse avaient déjà été montrés, sous le titre « Aller et Retour, Camina, Nivèse + Altmann », dans une gigantesque exposition à la « Machine à Eau » de Mons (Belgique, commissariat Dolorès Oscari), et voici les textes qu’ils m’avaient inspiré, et qui firent l’objet d’un catalogue en forme de cartes postales :

Œuvre de Nivèse dans la salle Suzy Solidor, capture d’écran

Entre Anges et Démons. 2005 2006. Peinture de Nivèse
Dans la série de ses « apparitions », Nivèse voit surgir les mânes de Matisse (né au Cateau Cambrésis, mort à Vence)... et les oiseaux de ses vo¬lières, au Régina ? Femmes anges, ou sorcières ?… si Matisse a « changé la règle des choses », Nivèse aussi, innocence et perversité sont pôles complé¬mentaires d’une œuvre érotique, en effeuillant les marguerites... d’Andy Warhol le sulfureux

Entre Anges et Démons. 2005 2006. Peinture de Nivèse
Comme en démonologie, à cette sculpture échappe son ombre, qui devient aigle terrifiant, ava-tar géométrique du vampire. Comme Matisse disait vouloir révéler la Beauté à l’Humanité, Nivèse décrypte des esprits dans le chaos des formes, elle revient au pays avec d’alchimiques présences, est ce hommage au Moyen Age où fut la grandeur du plat pays, et celui des « monts » ?

Œuvre de Nivèse dans la salle Suzy Solidor, capture d’écran

Entre Anges et Démons. 2005 2006. Peinture de Nivèse
Au pays ensoleillé de Picasso où habite aujourd’hui Nivèse, les brouillards de l’enfance n’ouvrent ils pas des espaces de divination où les yeux per¬çants de Pablo invitent au dévoilement de figures Incas, via l’Espagne et la Flandre ? Nivèse fut un jour nommée « fée » par un grand critique d’art.

Entre Anges et Démons. 2005 2006. Peinture de Nivèse
Est ce l’Ange de la Mine qui veille sur l’œuvre de Nivèse, reprenant ses droits à chaque nouvelle étape de cette œuvre même semblant passée à autre chose ? Ou bien l’ombre de l’Apocalypse dont Nivèse rêva un jour à propos du Moyen Orient, pays de pyramides ?

Œuvre de Nivèse dans la salle Suzy Solidor, capture d’écran

Tour en triangle, acier découpé. 2004. Sculpture de Nivèse
Entre la forme pyramidale des terrils et les en¬trelacs ajourés des tours minières, une vision poétique s’empara de Nivèse, qu’elle associe aujourd’hui en objets rituels tamiseurs de lumière, dentelle masquant/révélant une autre dentelle, à l’infini, entraînant le regard dans des labyrinthes.

Tour en carré, acier découpé. 2004. Sculpture de Nivèse
Le chemin qui allait des mines de l’Istrie na¬tale aux mines de Mons s’est poursuivi, fé¬condant pour toujours l’œuvre, de Nivèse, la fatale cage d’ascenseur n’est plus que structure, le Signe universalise ce qui était circonstanciel, et le châssis à molette entre définitivement dans le Musée des « archéologies industrielles », selon la formule de Jean Nouvel.

Œuvre de Nivèse dans la salle Suzy Solidor, capture d’écran

Stèle, acier découpé. 2004. Sculpture de Nivèse
Le Bauhaus engagea à reconnaître la beauté des superstructures industrielles, Nivèse les aplatit en une simple page de claire voie den¬telée, créant une métaphore entre le métier portatif de la dentellière (carreau), et le carreau de la mine. Synthèse aveuglante de simplicité, n’était le reflet sur le mur, dimension de l’inaccessible. Est-¬ce hommage inconscient à Van Gogh, encre de Chine, mine de plomb, à travers une calligraphie personnelle, orthogonale ?

« Le tamis de l’ange » de Raphaël Monticelli
Et Raphaël Monticelli, lui aussi, en mai 1999, dans le catalogue de l’exposition Nivèse « Entre le vide et le plein » à la Galerie Alexandre de la Salle, avait fait sort à l’ange, chez Nivèse, le texte était intitulé « Le tamis de l’ange. Pour Nivèse » :

Tu le sais
et je le vois à travers la dentelle de mes doigts
il y a
d’abord le souffle du vent
cette façon qu’il a de chanter parmi les branches
de mettre en amour la lumière du ciel
et les ombres du sol

je le sais
tu le regardais des heures
surprise
de l’harmonie qui s’y joue avec cette fraîcheur qui coule sur ta peau

Au fond de tous les bruits du monde il y a
non les couvrant mais leur donnant cette tension
cette
insupportable tension
leur coloration leur tremblement leur déchirement
ce bourdonnement sourd qui jamais ne cesse
la rumeur continue de toutes les douleurs du monde

Il y a
ces corps d’enfants
aux souffles tièdes et apaisés
leur peau tendue
leurs yeux qui se ferment comme on les ouvrirait
émerveillés

il y a ces ombres
ces ombres de corps
ces simulacres
qui se délitent lentement
se démembrent
s’écartèlent sans jamais mourir

ce bourdonnement sourd qui jamais ne cesse
la rumeur continue de toutes les douleurs du monde
et nous en vibrons nous en sommes assourdis et gourds et tremblants et déchirés

il y a
ce bourdonnement sourd
la rumeur continue de toutes les douleurs

Il y a le corps des femmes
nous savons combien il est tendre trop tendre
comme un rappel de nos naissances en nous
nous le savons
ouvert aux ondes de la terre et du ciel
il porte dans ses ombres toute la vérité toute la sainteté du monde

et ces pleurs en pluie qui te glacent
te déchirent
etc.

C’est admirable jusqu’à la fin
C’est la question du bien et du mal - de l’amour et de la destruction, du féminin, du masculin, de l’autre - emblématique de toute cette Biennale dont il faut encore remercier Simone Dibo- Cohen

Retrouvez les parties I, II, III et IV de la Chronique 76 :
Chapitre : 76 Ultra Violet (Part I)
Chapitre 76 : Simone Dibo-Cohen (Part II)
Chapitre 76 : Simone Dibo-Cohen (Part III)
Chapitre 76 : Simone Dibo-Cohen (Part IV)

Artiste(s)