Serge III inaugurant L’E.N.C.A.S le 7 juin 1994
Si la première manifestation de L’E.N.C.A.S (Ecole Niçoise pour la Circulation de l’Art et des Savoirs, créée par Jean Mas, Patrick Amoyel, Dominique Albertini, Catherine Soumaré et France Delville, cette dernière en assumant la seule mise en acte à partir de la seconde séance, il y en aura une vingtaine, jusque fin 1990) a eu lieu au théâtre de l’Artistique avec Serge III, ce n’était pas voulu par rapport au fait que l’Artistique avait été l’un des lieux premiers du Mouvement Fluxus début des années 60, mais aujourd’hui il est intéressant de confronter les images en couleur de ce théâtre (le rideau rouge) en 1994, et les photos en noir et blanc des archives Fluxus. Dans le film de la séance « Serge III : Le français échangé contre un espion tchèque raconte » du 7 juin 1994, tourné par Robert Matthey, Serge III déclare qu’il a été ébloui, séduit, frappé par Fluxus à l’hôtel Scribe, c’était donc (dixit Ben dans le catalogue « A propos de Nice » de l’exposition du même titre au Centre Georges Pompidou 1977) en juillet 1963 lors du Festival Mondial Fluxus et Art Total que Ben avait organisé pour la venue à Nice de George Maciunas, où, à l’hôtel Scribe, Maciunas dirigea un concert Fluxus. « Dans le public, Biga, Oldenbourg, Le Clézio », précise Ben.
La suite du programme sera : « Ben traverse le port de Nice à la nage, Robert Bozzi signe les messes en tant que spectacle Fluxus, George Maciunas mange un aliment mystère à la terrasse du Provence, Ben signe Nice comme œuvre d’art ouverte, avec vente de terre sur le mont Boron ».
Garée devant le Provence le 27 juillet 1963 (avec, derrière la foule des badauds, Maciunas en train de manger son aliment mystère) la voiture de Serge III faisant voiture-sandwich pour le festival Fluxus montre qu’il n’a mis que quelques heures à s’investir dans le Mouvement.
L’Artistique
En janvier 1964, à l’Artistique, concert Fluxus intitulé « Réalité », Ben, Bozzi, Erébo, Pontani, Dany Gobert et Annie gonflent une grande baudruche et l’envoie sur le public qui joue avec, c’est la première fois que ça se fait en France, précise Ben
En Juin 1964, ce sont « les sept jours de la recherche ou les 7 jours de la création « durant lesquels eurent lieu un spectacle de poésie visuelle de Serge III (il casse un sac plein de bouteilles), une balade en autobus jusqu’à l’Abbé Pierre, où nous nous rendîmes en procession avec des flambeaux et où Erébo joua un concert de piano, un grand happening copié des spectacles que j’avais vus à Judson church. Bref je voulais montrer aux niçois tout ce qui se faisait à New-York, style Yvonne Rainer, Carolee Schneman etc. Comme ce n’était pas du tout dans mon style, j’ai appelé une partie du spectacle « Vol d’idées » (Ben)
En juin 1965 (toujours dixit Ben dans « A propos de Nice ») Robert Erébo et Robert Bozzi donnent à l’Artistique un concert Fluxus notamment avec la pièce « Bottez-leur le cul à cette bande de cons », où Robert Bozzi interprète au piano un discours de Mao interrompu à chaque fin de phrase par les mots « Vive, vive le président Mao », tandis que Robert Erébo lave les pieds de Ben assis sur une chaise.
En septembre 1965, George Brecht et Donna Breuer, Robert Filliou et Marianne Staffels, qui, à Rome, avaient pris la décision de réaliser « La cédille qui sourit », se donnent rendez-vous à Villefranche où, par l’intermédiaire d’amis, ils trouvent un local, 12, rue de May, qu’ils occuperont jusqu’en 1968. George et Donna arrivent de Rome, Robert et Marianne de Paris. Serge Oldenbourg peint au vinyl blanc « la Cédille » et Jo Pleuffer aide à l’installation.
Le 16 juin 1966, à l’Artistique, le théâtre Total annonce une pièce d’avant-garde ayant pour titre « Personne » : personne n’est admis à voir la représentation.
En 1966, la Cédille demande à ses artistes de participer à « Contribution to the art of giving », Gilli fait des pinceaux, Arman coupe un livre qui s’appelle « un demi-livre d’une demi-livre », Venet fait des découpages de papier, Ben des boîtes-mystère et des trous portatifs, Serge Oldenbourg des contenus, etc. (dixit Ben)
1967
En 1967, de sa prison en Tchécoslovaquie, Serge Oldenbourg écrit à la Cédille : « Je crois qu’ils vont pouvoir m’intégrer à l’Ecole de Nice (les membres de ce groupe sont de célèbres non-buveurs), vu que je n’ai pas bu une goutte d’alcool depuis six mois ».
Le 17 mars 1967, Alexandre da Salle fédère l’Ecole de Nice par son exposition « Ecole de Nice ? » (avec point d’interrogation) de la place Godeau à Vence, et Serge III ne peut y être, il est en prison. Il sera « mis » dans sa suite « Ecole de Nice » par Alexandre de la Salle en 1987 (« Ecole de Nice… » points de suspension) – avec le tableau « Je t’aime » - , et il sera de toutes les autres expositions Ecole de Nice d’Alexandre de la Salle, jusqu’à, bien sûr « Les 50 ans de l’Ecole de Nice » au Musée Rétif, mais cette fois Serge III ne fera plus partie des vivants.
Serge III est pourtant l’un des piliers de l’Ecole de Nice, via Fluxus, et, dans une très belle brochure éditée par Z’éditions « Fluxus à Nice », un texte de lui intitulé « Nos aventures » précise un peu comment il y a fait irruption, dans l’Histoire :
Le début de l’aventure « Fluxus » de Nice commence, en réalité, avec le passage de George Maciunas à Nice. Je l’ai vu débarquer chez Jacqueline, alors la femme de Ben, pendant que nous étions en train de prendre le café. Il ne payait pas de mine et avait l’air de mauvaise humeur. Par la suite j’ai appris que c’était son air normal et qu’il était simplement sérieux. Pour expliquer cet air sérieux, Ben disait que Maciunas se prenait pour l’apôtre de « Fluxus » et qu’il portait partout la bonne parole.
A l’occasion de l’arrivée de Maciunas, nous avions collé des affiches de Ben annonçant « L’Evénement Mondial » et Ben avait loué la salle de spectacle du Nouveau Casino.
Dès le lendemain de cette arrivée, à la terrasse du « Provence », Maciunas, Ben et Robert Bozzi, en chapeau melon, dégustaient un aliment mystère, de Ben, et jouaient, entre autres, un mémorial pour Adriano Olivetti. Il y eut un perturbateur amical qui, avec un fort accent italien, trouvait que « ces jeunes étaient formidables » et voulait à toute force nous distribuer des billets de dix francs. Pour le calmer, Ben a fini par accepter un ou deux billets.
Le soir, la suite faillit presque devenir tragique. Pour une raison inconnue la direction du Nouveau Casino s’était dédite et refusait l’usage de ses locaux. Au dernier moment, Ben réussit à louer le salon de l’hôtel Scribe, rue Georges Clémenceau, et nous y dirigeâmes le public qui arrivait au Nouveau Casino.
Outre Maciunas, il y avait Robin Page et sa femme Caroll. Avec Ben et Robert Bozzi, ils jouèrent un spectacle « Fluxus » plutôt court par rapport aux concerts que nous fîmes par la suite, ce fut un moment déterminant, au niveau de la création, pour plusieurs personnes de l’assistance. Mais ceci est une autre histoire. Ce concert « Fluxus » de l’Hôtel Scribe ne dura probablement pas une demi heure.
Robert Bozzi, Robert Erebo, Pierre Bonifaci, quelques autres et moi même, qui travaillions à cette époque dans des troupes de théâtres d’avant garde et de recherche, allions en quelques répétitions et deux représentations, lui faire perdre ce côté amateur, style Maciunas, pour en faire le spectacle percutant et enlevé qui allait faire la conquête de Paris en avril 1964, en attendant de faire le tour de la moitié de l’Europe.
Ben fut toujours celui qui recevait et expédiait toutes les informations. En mars 1964, il m’écrit de New York : « Je t’interdis de faire la cour à Annie, je suis invité à faire un concert Fluxus à Paris, j’aimerais que tu viennes avec moi ». J’étais, bien entendu d’accord. Le départ fut l’occasion d’une grande fête routière, qui se déroula de Nice à Aix en Provence. Nous étions douze ou treize dans quatre 2 CV. De temps à autre nous faisions une halte pour jouer avec un disque en plastique, baptisé « soucoupe volante » (Serge III).
1966/67 - 14 mois de prison à Prague.
Il y a sans doute un avant et un après la Tchécoslovaquie dans le parcours de Serge III, et celui-ci donnera la chronologie de cette période de transition dans son Journal de prison édité en 1986, cela s’appelle « Manifestations et expositions » :
1963 Evénement mondial, Nice.
1964 Concerts Fluxus, Festival de la libre expression (roulette russe). « Les sept jours »,
Nice.
1965 Festival de la libre expression, Paris.
1966 – « Personne », « La table », Nice. Concerts Fluxus à Céret et à Prague.
1966/67 - 14 mois de prison à Prague.
1968 Exposition chez Guinochet et Guillaumon, Lyon. Concert Fluxus, Avignon.
1969 Festival non art, auto stop avec un piano, exposition de toiles d’artistes recouvertes de vinyl blanc, Nice. Exposition d’un contenu d’armoire, Sigma 5, Bordeaux.
1970 Participation à « Environs II », détournement d’un autobus, Tours 100 artistes dans la ville, repas collectif composé de yaourts Montpellier. Exposition de marines, Galerie Ben Doute De Tout, Nice.
(A suivre)