Présentation de l’exposition
Un an après son ouverture au public, plus de 100 000 visiteurs ont découvert le
musée Jean Cocteau collection Séverin Wunderman de Menton.
Le 1er décembre 2012, la nouvelle exposition des collections consacrée au théâtre de
Jean Cocteau et intitulée « Rouge et Or » a été inaugurée, avec plus de 200 oeuvres
inédites issues de la collection Séverin Wunderman et de prêteurs prestigieux.
Des nombreuses mises en scène de La Voix Humaine depuis les années 1960 au succès
des Parents terribles à Broadway dans les années 1990, les pièces de Jean Cocteau ont
été et resteront des textes incontournables de l’univers théâtral. La nouvelle exposition
du musée Jean Cocteau collection Séverin Wunderman présentera les liens étroits que
le poète entretint avec le théâtre, lui qui fut à la fois écrivain, acteur, décorateur, costumier
et metteur en scène.
Ce nouvel accrochage met en lumière le théâtre, et plus particulièrement la scène,
envisagée comme le lieu de rencontre entre le poète et son public. Jean Cocteau est ici
à la recherche d’un théâtre moderne et populaire mêlant tragédie, comédie, vaudeville
et boulevard. Il participe ainsi activement à l’opération de destruction de l’héritage
classique et académique qui suit la Première Guerre mondiale, par un mélange forcené
des genres, notamment les genres nobles (ballet, théâtre) et populaires dont le jazz,
le cinéma, le cirque et le music-hall pour lesquels Jean Cocteau a un goût sincère et
averti.
Le théâtre est pour Jean Cocteau un vaste champ expérimental de déconstruction de
l’espace et du temps, au service de la rencontre avec l’inconnu. Par le biais de l’anachronisme
et du raccourci, de l’absurde et de l’humour, ses pièces déroulent sous
nos yeux le mystère de la poésie, usant de ce « réalisme irréel » qu’il poursuit dans
l’ensemble de son oeuvre.
Les dispositions scéniques imaginées par l’auteur donnent à voir toutes sortes d’événements
magiques ou relevant du surnaturel. Rejetant les règles de vraisemblance, il
élabore une nouvelle poésie de théâtre qui se manifeste dans ses oeuvres écrites pour
la scène ou encore dans les nombreux dessins et maquettes conservés au musée Jean
Cocteau collection Séverin Wunderman.
Extraits de films dont Jeanne Doré issu des collections de la Cinémathèque française,
dessins, photographies, accessoires, documents d’époque… l’exposition « Rouge et
Or » permet de découvrir les coulisses du théâtre de Jean Cocteau et de retrouver
ses grands interprètes : Genica Athanasiou, Berthe Bovy, Édith Piaf, Edwige Feuillère,
Yvonne de Bray, Maria Casarès et bien entendu Jean Marais.
L’exposition s’articulera autour de six séquences :
Le mal rouge et or
Vers une poésie de théâtre
Les nouveaux monstres sacrés
La tragédie revisitée
Mettre en scène l’invisible
Le cinéma de théâtre
Cocteau-Spectacle
Homme de lettres superlatif, Cocteau aura parsemé d’oeuvres remarquables tous les
genres de la poésie et de la prose, du roman à l’essai. Homme de spectacle complet,
il aura arpenté tous les genres, de l’expérimental au boulevard en passant par la tragédie
en vers, comme auteur toujours, mais aussi metteur en scène, acteur, décorateur,
bruiteur.
Critique, il sera un temps théoricien de la musique, librettiste et en quelque sorte
impresario. Il sera scénariste, réalisateur, théoricien du cinéma. Il écrira des arguments
de ballets, dessinera et peindra leurs décors et leurs costumes. Si l’ampleur du champ
des expériences artistiques dont Cocteau peut se prévaloir défie la vraisemblance, on
aurait tort de persister à le taxer automatiquement de dispersion. Car, outre l’écriture,
sa recherche profonde et parfaitement cohérente touche précisément à la synthèse des
arts, dont le ballet du XXe siècle – émulation des plus grands chorégraphes, peintres et
musiciens de l’époque – constitue la matrice et le cinéma, peut-être, l’aboutissement.
Le projet de Cocteau, déraisonnable, fut toujours de chercher à concilier deux régimes
de la littérature – la littérature pure et la littérature appliquée aux autres arts.
Projet déraisonnable seulement en ce que les « autres arts » ont toujours tendance
à se défendre âprement contre toute tendance d’annexion, notamment de la part du
domaine impérieux des mots – et Cocteau, dans sa recherche singulière, sera toujours
un homme seul, malgré son aspiration profonde aux joies de la communauté.
François Nemer
Écrivain, co-commissaire de l’exposition Jean Cocteau au Centre Georges-Pompidou
Extrait de Cocteau-spectacle, publié dans le catalogue des collections du musée Jean Cocteau, collection Séverin Wunderman