Théo Tobiasse au Cannet
La Chapelle Saint-Sauveur marque l’entrée du quartier des Ardissons, au Cannet. La date de construction de cet ancien clocher reste inconnue : au milieu du XVIIème siècle, cette chapelle ne figure pas sur les visites Pastorales. Depuis 1989, sauvée d’une ruine probable, elle a été restaurée. Il restait à lui trouver une destination digne de son passé historique et compatible avec sa vocation spirituelle. Rendre vie à cet édifice et lui écrire une histoire a été la préoccupation principale de Théo Tobiasse qui a ouvert ce lieu à l’œcuménisme et a choisi pour thème : « La vie est une fête » pour illustrer ce renouveau tout en respectant le passé. Dans l’authenticité de son geste créateur, Théo Tobiasse raconte avec vivacité et poésie une histoire universelle, pensée pour redonner à ce lieu une atmosphère propice au recueillement. L’artiste traduit ici la vie, la fête en fusion, la nostalgie profonde, la spiritualité de l’âme. La couleur entremêlée structure cette composition monumentale. Elle se réfère aux tons chauds de la terre et au bleu infini du ciel. Le trait triomphal et anxieux établit et sculpte des lignes de force où le plein et la brisure s’accouplent. La calligraphie évoque l’univers de l’artiste. Elle est utilisée comme une image poétique, elle complète les formes et suscite les pensées. L’édifice se trouve magnifié par une mosaïque qui en souligne l’entrée.
L’attention se concentre sur le chœur qui rayonne à partir d’une colombe, symbole de la paix.
Un monde protégé
L’œuvre se lit de droite à gauche : le panneau de droite exprime la joie, le chœur est imprégné de spiritualité et le panneau de gauche traduit la nostalgie. L’emploi des couleurs allant du rouge orangé au bleu en passant par le blanc, définit les dimensions matérielles et temporelles et la quête de la spiritualité. Le centre du panneau de droite est marqué par deux mains monumentales qui symbolisent la méditation. Autour d’elles s’organise un monde protégé où la vie est racontée par la famille groupée, serrée et unie ;
une coupe, image de la destinée humaine, s’élevant en signe d’amitié et de partage ; la présence de femmes opulentes, aux corps généreux, avec une allégorie de la nature. Elle prend les traits d’une bergère qui veille sur une colombe blottie et sur un univers pastoral.
Un village protégé et rassurant se trouve sur le chemin de la famille. Un couple danse. La femme dans son étreinte s’élève, leur communion exprime et appelle une sorte de fusion dans un même mouvement esthétique, émotif, érotique, religieux ou mystique. Comme un retour à l’Etre Unique où l’harmonie du ciel et de la terre est trouvée. Un élément de transport, des instruments de musique, une végétation abondante, rappellent le monde imaginaire et fantastique de Tobiasse.
Le chœur, foyer d’une intensité dynamique, est le lieu de l’énergie la plus concentrée où les bleus sont saturés. Il rayonne de l’intérieur vers l’extérieur. Il contient les références du bonheur de vivre chères à Tobiasse : la colombe porteuse du rameau d’olivier et de la lumière est entourée de deux anges. En vol, elle porte le message de la paix et de la spiritualité en mouvement. Elle est placée au point de la plus grande intensité, sur une ligne de partage, au centre du chœur. Un homme à gauche et une femme à droite volent l’un vers l’autre et sont tournés vers le centre du chœur. Sous l’oiseau, les vagues représentent le déluge qui purifie et régénère. Un instrument de musique évoque des modulations, supposant une harmonie de l’âme et du corps. Les rayons se projettent et vont éclairer deux pôles spirituels : Jérusalem - à droite- et Saint-Paul de Vence - à gauche.
Vers la transcendance
Le centre du panneau de gauche, décalé, est un rayonnement de lumière. Il répond à la méditation du panneau opposé. La nostalgie est ici partout présente. Après le déploiement, c’est le repli, le départ et le retour sur soi. La colombe du chœur poursuit sa route et on la retrouve, petit « oiseau de lumière » dans les rayons projetés qui éclairent une famille en partance. Son parcours est poussiéreux comme le sable du désert. La roue d’un véhicule rappelle l’exil vécu par Tobiasse et se rapporte au monde en devenir, à la création continue et donc au périssable. Les personnages se dirigent vers une femme accueillante aux bras levés. Elle semble les guider vers une transcendance et les attire vers le haut. Dans une fenêtre au dessus de sa main, on reconnaît Bethsabée, épouse de David et mère de Salomon. On retrouve ensuite des personnages d’une fête qui se termine. L’étreinte d’un couple blotti qui finit sa danse. Une femme portant nonchalamment la lumière.
Théo Tobiasse ne pouvait pas trouver meilleur support que la chapelle Saint-Sauveur pour donner libre cours à sa créativité et travailler sur ses deux thèmes de prédilection : les femmes et la Bible…
Jean-Michel Folon à Saint-Paul de Vence
« Attacher mon nom à une chapelle de Saint-Paul sera une déclaration d’amour à tous ceux que j’ai aimé dans ce village. Parce ce que c’est un lieu de vie. Or Picasso disait que l’art et la vie ne font qu’un », disait Folon, décédé en 2005. La décoration de la chapelle des Pénitents Blancs, datant du XVIIème siècle, est sa dernière œuvre. En juin 2008, le projet s’est achevé au terme de cinq années de collaboration entre l’artiste et maîtres artisans, maîtres verrier, mosaïstes et peintres ayant donné corps à son œuvre poétique. Avant tout aménagement artistique, la chapelle nécessitait d’importants travaux de restauration : la réfection de la toiture, des voûtes intérieures, du sol en galets blancs, l’installation de l’électricité et du chauffage. Les travaux de restauration s’achèvent en juin 2006. Le projet de décoration imaginé par Folon repose sur le thème du don, choix totalement lié à la vocation caritative de la confrérie des Pénitents Blancs qui, autrefois, occupait la chapelle. Cette thématique est largement reprise dans la symbolique employée par l’artiste : la main, particulièrement présente, et le cœur. Au décès de l’artiste, le projet de peintures ainsi que les dessins prévus pour les vitraux et la mosaïque ont d’ores et déjà été réalisés. Le plan d’ensemble et l’idée de la présence des sculptures au sein de l’édifice font partie intégrante du projet. En 2007, les cartons de l’artiste sont confiés à des artisans et maîtres artisans coutumiers du travail et de la sensibilité de Folon afin de terminer le projet.
« Comprendre le sens profond d’un lieu, c’est un véritable bonheur »
Une mosaïque de 106 m² orne le mur situé au fond de la chapelle ainsi qu’une partie de la voûte et des murs latéraux entourant le chœur. Sa réalisation est confiée à un atelier milanais sous la direction de Matteo Berté, maître mosaïste. La technique utilisée est celle dite « de Ravenne », les tesselles d’émaux, ors et argents sont coupées à la main (à la dimension de référence de 1cm X 1 cm) et le travail est exécuté au positif sur un panneau de chaux dont le séchage très lent permet d’effectuer des variations et affinements en cours d’œuvre. La surface de la mosaïque est réalisée en relief puisque les tesselles sont placées en profondeur. Les différentes inclinaisons permettent de réfléchir la lumière et de rendre ainsi l’œuvre vive et vibrante. En moyenne, 10 000 tesselles ont été utilisées par mètre carré.
La mosaïque a été réalisée en atelier par une équipe constituée d’une dizaine d’artisans, puis assemblée à Saint-Paul. Quatre vitraux destinés aux quatre ouvertures existantes dans la chapelle sont confiés à Jacques et Bruno Loire, maîtres verrier à Chartres. Huit peintures à l’huile de 4m X 2m sont confiées à Michel Lefebvre (atelier Le Soleil d’Or à Monaco), habitué des peintures « grand format » de Jean-Michel Folon. Elles occupent les murs est et ouest de la chapelle sur une surface d’environ 40 m². La sculpture « Qui ? » en bronze patiné fait office d’autel. La sculpture « La Source » en marbre rose du Portugal est réalisée par Franco Cervetti de Pietrasanta (Italie), elle fait office de bénitier au centre de la chapelle.
« Créer quelque chose de spirituel, essayer de comprendre le sens profond d’un lieu, c’est un véritable bonheur », disait aussi l’artiste.
Patrick Moya à Clans
Dominant la vallée de la Tinée, le village de Clans possède une collégiale du XIIème siècle et de nombreuses chapelles Renaissance. Une chapelle est plus récente, du XVIIIème : la chapelle Saint Jean-Baptiste, dont seul le plafond est classé. En 2003, le maire du village James Dauphiné, décide de faire peindre les murs par un artiste, et il choisit Patrick Moya. Ce dernier va peindre des scènes complètes qui se succèdent depuis l’autel jusqu’à la porte, avec une progression symbolique du jour vers la nuit, du ciel bleu clair vers le noir, du Bien vers le Mal, de la vie vers la mort. Elles se répondent également d’un mur à l’autre jusqu’à l’Enfer, qui encadre la porte d’entrée, et représentent : l’enfance de Jean et de Jésus, l’apparition de l’ange au père devenu muet, Jean adolescent qui garde ses moutons, Jean qui prêche dans le désert, Jean qui baptise le Christ, Salomé dansant devant le roi Hérode, Jean derrière les barreaux de sa prison, les bourreaux se préparant à lui couper la tête…
Entre Moya et les églises, c’est une longue histoire d’amour. Lors de l’une de ses premières expositions à Nice sur le thème « Créature et créateur », en 1984, il transformait déjà la galerie en « cathédrale du XIIIème siècle : au nord, l’ancien testament, à l’est, le nouveau et à l’occident, le jugement dernier ».
Le créateur rendu créature
Alors quand il raconte la vie de Saint Jean-Baptiste, Moya le fait en respectant à la lettre l’histoire rapportée dans la Bible. Il reprend également en partie l’iconographie traditionnelle, en y ajoutant une touche personnelle, propre à son époque. La fresque de Moya est figurative et de facture classique. Un art catholique, en somme, la religion incitant à la représentation de la figure humaine, puisque le dieu des chrétiens s’est lui-même incarné en homme. Une figure humaine qui, en l’occurrence dans la chapelle de Clans, est un autoportrait de Moya, métamorphosé en Jean, à toutes les étapes de sa vie. Car Moya souhaite depuis toujours « mettre l’artiste dans l’œuvre ». Ici, transformer le créateur en créature, c’est-à-dire en modèle, n’est pas une démarche immodeste : l’artiste ne veut pas faire concurrence au Dieu créateur, puisqu’il reste au niveau de la créature…