Remarqué lors de la dernière Biennale de Venise avec la série Le Ciel regarde la Terre , Philippe Pastor poursuit son engagement en faveur d’un art résolument tourné vers la nature. Né en 1961 à Monaco, il se montre très vite réfractaire à toutes sortes d’enseignement et préfère se nourrir de la fréquentation de personnalités telles que César, Antoni Clavé ou encore Paul Rebeyrolle, qui ont marqué sa jeunesse. Il a choisi de se retirer dans une ancienne bergerie de la Garde-Freinet, au coeur de la Montagne, et trouve dans
cette voie les poncifs d’une affirmation solitaire. Philippe Pastor positionne d’emblée les axes essentiels de sa démarche qui s’articulent autour de la volonté de travailler directement dans la nature, avec la nature, et de traduire l’attachement viscéral de l’Homme à la Terre. Hors normes, les toiles sont disposées à même le sol et se destinent à rester plusieurs mois en plein air. Tels des works in progress, elles évoluent au gré des intempéries et autre érosions naturelles. Mue par un mouvement sans fin, l’oeuvre peut continûment se développer tout en portant en elle l’idée que chaque trace, chaque présence, devient instrument de mémoire et de transmission.
L’engouement pour la matière vivante et ses effets de transformation, le choix d’une iconographie et d’un processus de création résolument liée à son environnement immédiat, la réflexion sur le passage du temps qui conditionne l’interaction entre l’Homme et la Nature sont au coeur de ses préoccupations et définissent un vocabulaire singulier. Sa dernière série, intitulée H20 constitue un témoignage acide autour de la nécessité de préserver les ressources naturelles. Elaborées à même la terre, ces oeuvres miment le ruissellement de l’eau, c’est-à-dire son écoulement à la surface des sols.
Ces compositions fluides, lumineuses, furtives, insaisissables caractérisent parfaitement les flux du « cycle de l’eau », dont le moteur n’est autre que l’énergie solaire. Le titre, à connotation scientifique, entend nous rappeler que l’Homme, tout comme la surface de la Terre, est constitué à près de 70 % d’eau. Et pourtant, nous le savons, l’eau est le futur nerf de la guerre, c’est une réalité géopolitique. Ce paradoxe se retrouve précisément dans ces oeuvres : à la vivacité et la légèreté des couleurs et des traits auxquelles on aurait pu croire qu’elles succomberaient, elles opposent la permanence d’une atmosphère menaçante…