Les dernières manifestations du Mouvement MADI sont une exposition en Italie, à Lovere (Bergame), ouverte depuis le 23 juin (jusqu’au 26 août) et une exposition au nord de la Suède, près du cercle polaire, qui va s’ouvrir le 11 août.
1 – L’exposition italienne intitulée « MADI – Una geometria oltre le regole » (Une géométrie au-delà des règles, une géométrie hors-la loi ? en tous cas une géométrie hors cadre… ) s’est ouverte le 23 juin à l’Atelier del Tadini (en collaboration avec l’Académie des Beaux Arts de Lovere, Bergame), organisée par Paola Silvia Ubiali, directrice de la Galleria MAReLIA, qui fait un énorme travail avec le Mouvement MADI italien… ainsi que par Angelo Piazzolli. Elle se terminera le 26 août.
Les œuvres exposés sont de de Carmelo Arden Quin (Uruguay), Angelo Giuseppe Bertolio (Italie), Dominique Binet (France), Bolivar (U), Gaël Bourmaud (F), Jean Branchet (F), Jean Charasse (F), Elisabetta Cornolo (I), Franco Cortese (I), Marian Drugda (Slovaquie), Mirella Forlivesi (I), Reale Franco Frangi (I), Joël Froment (F), Aldo Fulchignoni (I), Yumiko Kimura (Japon), Alberto Lombardi (I), Gino Luggi (I), Enea Mancino (I), Jaildo Marinho (Brésil), Vincenzo Mascia, (I), Renato Milo (I), Giuseppe Minoretti (I), Mitsouko Mori (I), Judith Nem’s (Hongrie), Gianfranco Nicolato (I), Antonio Perrottelli (I), Marta Pilone (I), Gaetano Pinna (I), Giuseppe Rosa (I), Albert Rubens (Belgique), Janos Szasz Saxon (H), Philippe Vacher (France), Piergiorgio Zangara (I).
Dans le catalogue de l’exposition, Paola Silvia Ubiali a rappelé les composants de la révolution madique : un enracinement dans l’art abstrait géométrique du début du XXe siècle, mais sorti du cadre, et en appelant à une sorte de gratuité de la forme qui tente du même coup de faire sortir celle-ci du sens pour atteindre à une ludicité extrême, le JEU devenant l’opération par laquelle, tout comme l’enfant, l’artiste crée un monde à lui soustrait le plus possible au conditionnement. La ludicité est donc facteur de liberté. Les matériaux, à l’origine ceux de l’ère industrielle, restent tous ceux qui contribuent à l’innovation.
Rapportant l’exposition, l’Eco di Bergamo du 23 juin a titré : « Madi à travers le jeu et la couleur », et le 25 juin : « A Lovere Madi un art toujours neuf ».
Quant au Corriere della Sera » du 20 juin, il a annoncé : « Madi, géométrie universelle », commentant ainsi cette définition : … L’artiste qui suit les principes de Madi crée à partir de solutions nouvelles. Son art ne peut être inactuel car il est un produit d’un « hic et nunc », il est enraciné dans son époque ».
Bien sûr le rôle fondateur de Carmelo Arden Quin est rappelé à chaque fois, et c’est aussi ce que je vais faire en exergue de ce chapitre consacré aux développements actuels de Madi, qui auraient tant fait plaisir à Carmelo s’il avait été encore parmi nous. Il aurait eu cent ans l’année prochaine.
Né le 16 mars 1913 à Rivera (Uruguay), dans une famille de gauchos, brésiliens du côté de son père et immigrés du Pays Basque espagnol du côté de sa mère, c’est en 1935 à Montevideo que Carmelo Arden Quin entend une conférence qui change sa vie, celle donnée par un Joaquin Torrès Garcia rentrant de quarante années d’un exil fructueux qui l’a fait participer à la révolution géométrique abstraite de « Cercle et Carré » (Seuphor, Mondrian, Van Doesburg etc.) Âgé de 22 ans, Carmelo rentre chez lui pour créer le premier tableau à contour irrégulier de toute l’Histoire de la Peinture, opération qu’il va systématiser et relier à une « conscience polygonale ». Si les Pères de l’art géométrique mobile qu’il admire (Moholy-Nagy et Calder) ainsi que les Futuristes ont opéré une première révolution, elle n’est pas allée assez loin pour lui, et lui, avec l’équipe de la revue « Arturo », Rhod Rothfuss, Gyula Kosice et tous les autres, va imaginer une sortie du cadre dans tous les champs de la création. Désir qui s’ancre dans la révolution industrielle de la fin du XIXe siècle révélée par les grandes Expositions Universelles, et dans toutes les innovations plastiques et poétiques des Kandinsky, Picasso, Stravinsky, Mallarmé, Dada, Constructivisme, etc.
A Buenos Aires, le 11 novembre 1936, à la Casa Espana, au bénéfice des républicains espagnols Arden Quin montre pour la première fois trois formes découpées. En 1936 il co-crée également la revue Sinésis, sorte d’ébauche de la revue Arturo dont il met plusieurs années à réunir les participants, et qu’il édite en 1944 à ses frais. A partir de 1944 où la Revue Arturo, devenue mythique, annonce tous les pré-supposés d’une recherche MADI qui n’en finira pas de se décliner, le parcours d’Arden Quin se mêle grandement au parcours de MADI, qu’il soutiendra fermement jusqu’à sa mort.
Et l’on verra à quel point le Mouvement MADI d’Arden Quin est avant tout construit sur le désir d’un homme, sur son rapport à une dialectique de l’art, décrite dans le Manifeste « La Dialectica » (Manifeste d’Arturo) :
« Primitivisme-Réalisme-Symbolisme ». Le 3 août 1946, ce sera la fondation de MADI à l’Institut Français des Hautes Etudes de Buenos Aires, Arden Quin lisant le Manifeste fondateur, et Gyula Kosice présentant une œuvre inspirée des jouets de Torrès Garcia, mais théorisant, lui, sur les Zones poétiques contemporaines. A l’occasion de l’exposition de groupe au Salon Kraft, le critique d’art Bajarlia écrira que Carmelo Arden Quin et Martin Blaszko sont les plus importants représentants du groupe Madi. Grand succès donc, que Carmelo aurait pu vouloir étendre de là où il était, en 1993, Amei Wallach, à propos de l’exposition du MOMA « Artistes Latino-Américains du XXe siècle » écrira dans « Le Globe » de Boston : « Une trouvaille de cette exposition est Arden Quin… les trois salles qui montrent les travaux de ce mouvement abstrait argentino-uruguayen sont certainement les plus satisfaisantes, et certainement les plus cohérentes, de toute l’exposition… Qui aurait pu se douter que dans les années quarante, tandis que nous les Nord-Américains nous félicitions d’avoir décentré l’art de Paris à New-York avec notre fougueux nouvel impressionnisme abstrait, plus bas, en Amérique latine, des artistes poussaient plus loin le constructivisme russe en taillant dans leurs cadres et jouant à des jeux rythmiques avec la couleur, et prenant de l’avance sur ce que, des années plus tard, nous allions appeler minimalisme ».
Mais le rêve d’Arden Quin était depuis toujours l’Europe et Paris, et le succès en question ne le retiendrait pas, de même que plus tard le succès parisien ne l’empêcherait pas de retourner créer « Arte Nuevo » et plusieurs revues en Argentine, dès que son « daïmon » du Nouveau le reprendrait. Le 25 septembre 48, il prendrait donc le bateau pour l’Europe avec Vardanéga, Mélé, Bresciani. Son épouse actuelle, Sofia Arden Quin assistant au départ, ils se retrouveraient bien plus tard. Et Sofia aujourd’hui a recréé un mouvement de jeunes madistes en Argentine, dont le groupe a été montré dans une salle spéciale du CIAC de Carros de février à mai 2011 dans l’exposition « Conscience polygonale, De CarMelo ArDen QuIn à MADI contemporain ». Certains seront présents dans l’exposition « Noir et blanc » en Suède le mois prochain.
En ce qui concerne l’exposition « MADI – Una geometria oltre le regole », voici quelques notices biographiques de certains des artistes qui y participent :
Dominique BINET (France), née en 1944 à Paris, vit et travaille à Paris. En 1968 diplôme des Arts Décos (Paris) et maîtrise d’Histoire de l’art. Expose dès 1974. En 1988 rencontre l’art construit au Salon des réalités Nouvelles. En 1992 rencontre MADI à la Galerie Dorval, s’intègre.
En 2004 elle exécute un Chemin de Croix abstrait dans l’église d’Arbonne-la-Forêt, En 2008, exposition « Mouvement MADI international Buenos Aires 1946 – Paris 2008 » à la Maison de l’Amérique latine, Paris
Giuseppe Angelo BERTOLIO (Italie), né à Mornago Varese en 1934, décédé en 2010. En 1987 participe à l’exposition du GROUPE SINCRON (Galerie de la Salle, Saint-Paul). En 1999 adhère au MADI italien. En 2008, exposition « Mouvement MADI international Buenos Aires 1946 – Paris 2008 » à la Maison de l’Amérique latine, Paris.
« Le discours madiste de Bertolio peut se targuer d’une analyse minutieuse des possibilités du discours géométrique » (Giorgio di Genova in « Arte Madi Italien », 2002)
Gaël BOURMAUD (France), né en 1975 à l’Isle-Adam, vit et travaille entre Paris et Buenos Aires. Arts Plastiques à l’Université Paris VIII. Beaux-Arts de Grenade, Espagne. Expositions personnelles et Madi International (La Plata) à partir de 2003. En 2007 Galerie Orion. En 2008, exposition « Mouvement MADI international Buenos Aires 1946 – Paris 2008 » à la Maison de l’Amérique latine, Paris.
« Emule indéfectible du carré, le peintre Gaël Bourmaud s’attache aux notions fondamentales du plein et du vide. Ainsi, pour tous, les données sont-elles claires et précises, tout autant que rigoureuses pour lui ». (Patrick-Gilles Persin)
Jean BRANCHET (France), né en 1934 à Lons-le-Saunier, vit et travaille à Nantes. En 1970 débute un art construit. En 1993 adhère à MADI. En 1996 et 1997 expositions MADI de Saragosse et Madrid. En 2008 exposition « Mouvement MADI international « Buenos Aires 1946 – Paris 2008 » à la Maison de l’Amérique latine, Paris dont il est le co-commissaire et l’un des préfaciers : « Les artistes MADI veulent tout simplement créer une œuvre pure, ne signifiant rien, n’ayant aucun message à délivrer, une œuvre qui n’existe que par elle-même, qui soit le résultat du jeu majeur de la créativité et de la sensibilité comme toute musique détachée d’une description »
A suivre...