Né au Brésil, vous avez grandi à San Paolo. Qu’est ce qui vous a fait rejoindre la France ?
J’ai vécu au Brésil jusqu’en 1990 puis j’ai déménagé à Paris. C’est dans la capitale française que j’ai effectué mon premier séjour à la Cité des Arts, non comme peintre, mais comme pianiste. Finalement, je suis resté. Au détour de rencontres, je suis devenu correspondant pour une édition d’art et cela m’a fait beaucoup voyager. J’étais un peu comme un agent artistique qui s’occupait d’un groupe d’artistes exposant dans des salons officiels de Paris. Par ce biais, j’ai donc rencontré de nombreux artistes.
Qu’est-ce qui a été moteur dans votre carrière ?
J’ai pensé faire une carrière de pianiste tout d’abord mais la situation du musicien et les opportunités étaient limitées. J’ai voulu me lancer et c’est dans l’art que je l’ai fait. Au Brésil, la vie était assez difficile avec une situation économique instable et des changements de gouvernement fréquents. Quand je suis arrivé à Paris, la concurrence était grande. J’avais une bonne formation dans le piano mais je n’étais pas dans l’esprit de me battre pour cela et je n’avais peut être pas la patience de rester devant l’instrument pour préparer des concerts et d’en vivre, alors j’ai commencé à peindre….
De quelle façon avez-vous abordé la peinture ? Quelles étaient vos « sources » ?
J’ai toujours été très surréaliste, très hyperréaliste même. L’une de mes références a longtemps été Dali qui m’a beaucoup inspiré. J’aimais beaucoup inventer des choses et j’avais même pensé devenir architecte car j’aimais construire. Mais il fallait faire des choix, je ne pouvais pas tout embrasser. Ceci dit, la musique est toujours très présente dans ma vie. J’ai toujours un piano dans chaque atelier où je travaille. La musique est l’une de mes sources.
Une rencontre a été décisive et vous a mis le pied à l’étrier dans l’art optique…
Ces inspirations ont duré un certains temps, j’étais très éclectique dans ma création jusqu’au moment où j’ai rencontré Vasarely à Paris, lors d’une visite à la Cité des Arts.
A Montmartre, j’étais assistant de celui qui réalisait les sérigraphies de Vasarely. Et là, je suis tombé amoureux des effets optiques. Tout le monde disait qu’il y avait quelque chose d’intéressant dans mes portraits optiques alors j’ai mélangé les techniques de Vasarely, les lignes, les trames, les contrastes, l’inspiration était classique. En France, on me considérait davantage comme l’élève de Vasarely, mais ce n’était pas le cas. J’ai travaillé en fait directement avec lui mais c’est plus le contact qui a été décisif. Ce n’était pas un bon moment pour l’art optique à cette époque. Personne n’en voulait plus vraiment. J’étais en quelque sorte à contresens de cet art et je me suis retrouvé un peu tout seul. Et à Paris, il était vraiment dur de se faire accepter.
L’œuvre de Marcos Marin se reconnaît au premier coup d’œil. Comment travaillez-vous ?
Je suis conscient que je suis un artiste « sale », c’est-à-dire que j’aime laisser quelques imperfections du pinceau sur la toile. Contrairement au piano où il fallait beaucoup de patience, à travers la peinture, j’avais envie de faire vite pour créer, explorer davantage. Pour moi, l’idée est plus importante que le résultat. Et je considère toujours mon œuvre d’art en constante transformation. Je reviens sur mes œuvres, je les retouche, j’y reviens souvent. On voit les traces de pinceaux dans mes tableaux, c’est ça que j’aime. Les lignes peuvent être parallèles mais elles ne le sont jamais tout à fait. Sur les sérigraphies, par contre, tout est net et précis, imprimé. L’accident du pinceau n’apparaît bien sûr pas dans ce cas.
Vous avez abordé la sculpture de façon assez inédite…
L’histoire de la sculpture, c’est un peu accidentel. En 2003, j’ai été invité comme artiste d’honneur d’Arte Americas à Miami, un salon réputé. C’est là qu’a débuté l’aventure de la sculpture. Et de façon assez étrange, oui ! (rires) Il n’y avait plus de mur pour exposer et ma galeriste m’a alors demandé d’improviser pour exposer au milieu des espaces qui restaient, voire ceux d’un jardin attenant. Je me suis souvenu de l’œuvre d’art installée au Centre Georges Pompidou, ce grand portrait réalisé par Vasarely. Je me suis dit que je pouvais réaliser quelque chose dans ce sens, mais j’ai voulu inverser les effets. Dans l’œuvre de Vasarely, la peau est claire et les reliefs sont en noir. En sculpture, c’est l’inverse, de manière à créer un effet cinétique. C’est une inversion qui a permis l’œuvre. Ce fut une Mona Lisa que je réalisais en 4 mètres de hauteur, en fibre de verre. Ca été une réussite, une des plus belle de ma vie…
Les portraits représentent pour vous une empreinte du monde. Que cherchez-vous à dévoiler à travers eux ?
Je suis vraiment en admiration devant ceux qui ont du talent, des grands génies de l’humanité, les personnages d’exception. Je reste un inconditionnel des gens du cinéma, de la musique… et grâce à mon art, je souhaite les honorer, leur rendre hommage. L’art optique n’est pas quelque chose d’évident. Il y a une participation du public et j’aime faire agir aussi très souvent ceux qui vont être sur l’œuvre. La rencontre des personnes dont je fais le portrait est importante. Laisser participer ces gens dans le choix infini de l’art optique l’est tout autant.
Vous puisez également dans d’autres registres que l’art optique pour faire avancer votre art…
J’affectionne aussi les œuvres de grands Maîtres et peints souvent d’après des références historiques de la peinture. Je fais le détournement de l’image à partir d’œuvres très célèbres. Comme cette série d’après Le Caravage, et les femmes de Caravage, c’est toute une création qui est possible à partir de là. Je travaille aussi avec de grands photographes qui ont des photographies exceptionnelles de grandes pop stars. C’est un autre travail mais je tente de faire revivre certaines photographies de l’histoire en les adaptant et en les traitant dans ma version optique.
Vous entretenez une relation privilégiée avec la Principauté de Monaco aujourd’hui. Comment êtes-vous arrivé sur le rocher ?
J’étais à la foire de Bâle en décembre 2004 et j’ai rencontré Delphine Pastor. Elle a vu mon atelier, elle a adoré et m’a proposé de rejoindre sa nouvelle galerie qu’elle avait ouverte à Monaco. J’ai fait une exposition avec 47 pièces dont deux portraits de Grace Kelly et de la princesse Stéphanie. Le Prince Albert est tombé amoureux du portrait de Grace Kelly et a voulu le faire entrer dans la collection du nouveau musée d’art de Monaco. J’étais très fier de voir une de mes œuvres rejoindre cette collection prestigieuse.
Vous êtes également soutenu par Pierre Cardin…
La commande d’une œuvre monumentale du Prince Albert en hommage à son père dans le monument officiel historique fut un grand honneur. Un moment fantastique même. C’est à partir de là que ma vie a changé. Des œuvres dans le Palais princier de Monaco, ma notoriété à Miami, tout se mettait en place et je suis devenu un artiste international. J’ai connu juste après cela un galeriste à Palm Beach, qui était lui-même artiste et un grand ami de Pierre Cardin. J’ai fait le portrait de Pierre Cardin, et lorsque je suis venu à Paris, il l’a découvert. Séduit, il m’a proposé d’habiter à Lacoste, près d’Avignon, pour donner une vie artistique à ce village qu’il avait décidé de faire restaurer. J’ai dit oui sans hésiter et pour ce faire, j’ai quitté Miami. Il est devenu mon mécène en tant qu’artiste peintre d’abord, mais, découvrant que je jouais du piano, je suis également devenu son pianiste (rires).
La peinture, la sculpture… Quelle perspective souhaitez-vous apporter à votre art ?
Aujourd’hui, je fonce dans les sculptures monumentales pour la place publique. J’ai installé récemment la sculpture de Jean Cocteau à la citadelle de Villefranche, j’ai eu la chance de pouvoir réaliser cela, tout comme l’œuvre de la Principauté de Monaco. Et puis, je vais installer une sculpture à la Villa Médicis à Rome, le portrait d’un compositeur Jacques Ibert, qui fut directeur de la Villa Médicis pendant trente ans. C’est ici encore un honneur de faire la sculpture pour le cinquantenaire de la mort de ce compositeur et grand homme. Ce sera pour l’année prochaine.
Plein de bonnes choses à venir donc…
Je suis vraiment content d’être à la fois pianiste et artiste. J’ai 44 ans, mais je me sens jeune. Pierre Cardin me dit quelque chose de très intéressant : « Le plus difficile dans la carrière d’un artiste, ce sont les premiers soixante ans » (rires). Tout ce qui m’arrive est une bénédiction, je pense réaliser une belle carrière...
Marcos Marin s’expose à Lisbonne jusqu’au 29 février, à l’Hôtel Corinthia.
Vernissage le 4 janvier à 19h