Armand Scholtès et la Poésie
Si de nombreux et éminents critiques, conservateurs de Musées, écrivains, tels Jean-Luc Chalumeau, Pierre Chaigneau, Claude Fournet, Louis-Michel Gohel, Germain Roesz, Roger Decaux, Theo Wolters, Andrea B. del Guercio, Dimitri Konstantinidis, Michel Plancade, Yves Schaetzle, Christophe Cousin, Alain Tourneux, Xavier Girard… ont écrit sur le monde d’Armand Scholtès, ce monde, qui a la dimension de ces au-delà de fonds d’armoire que traversent les enfants, monde un peu féérique, a forcément inspiré des poètes, comme Jean-Pierre Caloz, Paule Stoppa, Raphaël Monticelli, Marie-José Lecorre…
Justement, dans le catalogue du CIAC, sous le titre « Portraits de traverse » Raphaël Monticelli rend compte de la manière dont l’œuvre d’Armand Scholtès l’a traversé :
Le rythme de tes pas
ébranle ta mémoire
Le monde s’y déplace
et ta main le saisit
Il suffit qu’une main
une griffe
un bec
comme distraitement s’accroche
à un débris d’espace
et tout résonne à l’entour
Le temps tape à tes tempes le temps
brisé d’herbes parmi les pierres
temps qu’un nuage effiloche d’ocres anciens de
bleus mouvants
dans le crépuscule des matins et des soirs
éclairs déroutés par des eaux foisonnantes
Debout aux bords le monde tu te tiens
silhouette ténue
bras ballants tu laisses agir les formes du monde
éclats de fleurs d’écorces
de pierres
que rompt un clignement de l’œil
que filtre le rideau de tes cils
images bouleversées sous tes paupières
L’espace se disperse Le temps
se défait
et ces fragments
épars
ensemencent nos yeux
Silhouette drapée d’ombre
e temps s’efface
temps insoumis temps rebelle éperdu
tu entends
la rumeur des siècles le chant
des peuples disparus qui vibre
au fond de toi
il donne forme à tes regards
Des soleils innombrables en meutes
rôdent
entre tes mains et tes yeux
éclairent les pluies qui te baignent
et multiplient les horizons
De chaque soleil s’évapore
en fumées incertaines le temps
retombe en crinières de lune
rampe en ruisseaux aveuglants
Le battement seul de ton cœur
fait le compte des tourbillons
Au bout de tes doigts la terre
a laissé des arcs en ciel
tu as posé de place en place
des rêves de sang
des traces
comme d’une aube épanouie
comme d’une voix qui chantonne
des airs très anciens oubliés
parmi orages et tonnerres
sur la montagne ensoleillée
L’espace enroule autour de toi
les morsures de ce qui fut
il y aurait entre deux cris
pétales recouvrant les chairs
fétus protégeant le monde
salive apaisant les feux
mains tâtonnant la nuit des corps
la place pour un chant d’amour
Tu ouvres la terre aux horizons multiples
sous le regard vacillant des brumes
au Nord au Sud
les lucioles qui gouttent dès le crépuscule
font vibrer des halos sous tes paupières
Il y a les champs
les champs de blé les champs de seigle
et nos abris où filtrent les poussières aux volets
entrouverts
nos vêtements tissés des heures monotones
Il y a ce monde qui couvre notre peau
Etc. etc.
Archéologies utopiques d’Armand Scholtès
En 1997, Raphaël Monticelli avait écrit sur Armand Scholtès dans le catalogue de la double exposition Musée de l’Ardenne/Musée Arthur Rimbaud de Charleville-Mézières, et, en 2007, dans le catalogue de l’exposition au Musée d’archéologie Nice-Cemenelum de Nice ayant pour titre « Tracéologie ».
Dans ce catalogue, intitulé « Archéologies utopiques d’Armand Scholtès », en dehors d’un long poème célébrant – déjà – le voyage du regard sur la nature en strates, voici ce que Raphaël Monticelli écrivait, toujours sous le même titre :
Lors de ma première rencontre avec Armand Scholtès, j’avais été frappé par le peu d’importance qu’il accordait à la datation de ses œuvres.
Quand j’avais proposé une chronologie à l’intérieur de sa propre production, et que j’avais tenté de la référer aux démarches dont il me semblait proche, celles, par exemple, qui prônaient la déconstruction du tableau, il m’avait répondu d’un « oui c’est à peu près ça » sans grande conviction, qui m’avait découragé. J’ai obtenu la même réaction, lors de ma dernière visite, alors que je regardais les œuvres qui illustrent cet ouvrage. Il avait conclu par un « peu importe l’origine »...
(A suivre)