Son baccalauréat en poche, il travaille, poussé là encore par l’atavisme paternel, dans des librairies. Tout naturellement, la lecture le portant vers l’écriture, il rejoint les poètes parnassiens.
En 1876, il joint l’utile à l’agréable. D’une part, en devenant commis-surveillant à la Bibliothèque du Sénat, où il collabore avec Leconte de Lisle, maître du mouvement du Parnasse. D’autre part, en signant Les Noces corinthiennes. Le succès pointe en 1881 avec son premier roman, Le Crime de Sylvestre Bonnard, distingué par l’Académie Française.
En 1887, il entre au Temps, quotidien de référence s’il en est, où ses critiques littéraires ne l’empêchent pas d’approfondir la veine romanesque. Pas si imaginaire que cela, Thaïs (1890) et Le Lys Rouge (1894) étant inspirés par ses déboires conjugaux et ses diverses aventures amoureuses.
Après avoir été couronné par les Immortels, A. France les rejoint en étant élu au siège de Ferdinand de Lesseps, en 1896.
La célébrité le campe en statue d’un commandeur républicain et humaniste. Une « conscience de gauche », dirait-on aujourd’hui, qui s’empare des grandes causes de l’époque. Stigmatisation du génocide arménien, des bagnes, des antidreyfusards (croqués dans son Histoire Contemporaine, 1897-1901). Au cours de l’affaire Dreyfus, il participe à la fondation de la ligue des Droits de l’Homme ; lorsqu’est retirée sa Légion d’Honneur à Emile Zola, A. France rend la sienne et refuse pendant plusieurs années de siéger parmi ses collègues académiciens.
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En 1912, il publie son chef-d’œuvre, Les dieux ont soif, qui figurera, le 26 mai 1950, sur la liste du Grand Prix des meilleurs romans du demi-siècle. Au nombre de vingt-cinq, édités entre 1911 et 1939.
Il y démontre que son engagement politique n’estompe pas sa lucidité ; ce qui vaudra à son ouvrage d’être mal accueilli par ses camarades. L’action se passe, en 1793-1794 (ans I-II de la République) sous la Terreur. Un passe-muraille, gribouilleur sans talent, démuni, se retrouve juré populaire grâce à une bonne âme. A ce poste, il use de sa parcelle de pouvoir pour alimenter la guillotine avec les plus implacable intransigeance et froide inhumanité. Envoyant à la Veuve assoiffée de sang, son rival comme son bienfaiteur. Jusqu’à ce que Robespierre, puis lui-même tombent sous le couperet.
Anatole France met en scène, en avant-première, le mécanisme du conformiste que décrira si bien Bernardo Bertolucci dans son film éponyme (1970). Avec une différence notable. L’analyse de l’écrivain est visionnaire, alors que le cinéaste a connu les ravages commis par un autre peintre raté et son acolyte. D’ailleurs le huitième chapitre des Dieux ont soif s’intitule « L’histoire sans fin ». Celle de l’Homme nouveau créé par tous les fanatismes et extrémismes au nom du meilleur des mondes. Vingt ans avant Orwell.
La suite est connue. Staline, Mao, Pol Pot., etc. Dans la France contemporaine pour le moment pacifiée, seules les paroles sévissent. Lors du congrès du parti socialiste à Valence (23-25 octobre 1981), Paul Quillès s’en prend aux journalistes qu’il estime favorables à l’ancienne majorité, en imitant le discours de Robespierre du 8 thermidor de l’an II (26 juillet 1794) : « il faut faire tomber des têtes, le faire rapidement et dire lesquelles ». Et récolte le surnom de « Robespaul ».
Pas de sang, heureusement, mais l’apparition d’un mythe allant jusqu’à l’idolâtrie, dont les adeptes tontonmaniaques appellent leur chef, « Dieu ».
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