L’Etrange cas du Docteur Jekyll et de Mister Hyde
Robert Lewis Balfour Stevenson (Edimbourg, Ecosse, 1850-Vailima, Samoa, 1894) est plus connu sous le pseudonyme de Robert Louis Stevenson, et pour le roman ayant hanté les gamins. Que ce soit dans leurs rêves d’île au trésor ou leurs cauchemars provoqués par l’ambivalent Long John Silver, archétype du pirate.
D’une célèbre dynastie de concepteurs de phares, le jeune Robert ne peut qu’être attiré par le grand large. De santé extrêmement fragile, il se repaît pendant ses nuits d’insomnie, de contes et légendes locales peuplées de revenants et d’ectoplasmes. Malgré une scolarité chaotique, il conçoit, dès l’âge de quatorze ans, une pièce de théâtre dont le personnage principal est Deacon Brodie, respectable ébéniste diurne et redoutable cambrioleur nocturne.
Rompant avec la filière ancestrale d’ingénieurs, en raison de sa constitution malingre, il se tourne vers le barreau, en 1875. Preuve s’il en est que celui-ci ne nécessite pas de colosses. Mais, obnubilé par l’écriture plus que par la parole, il ne prendra jamais la perruque et la robe.
Pour s’inspirer, il voyage en Europe. De la France, il rapporte son pittoresque Voyage avec un âne dans les Cévennes (1879). Toujours d’actualité, puisque le parcours, long de 250 kilomètres entre Le Puy-en-Velay et Alès, baptisé « Chemin de Stevenson », ou encore GR 70, fait la joie des randonneurs.
Après s’être marié aux Etats-Unis et avoir failli mourir d’une pneumonie – les deux événements étant malgré tout indépendants –, il retourne sur le vieux continent et y trouve un havre à Hyères (1883-1884). Le seul endroit, le seul moment où il fut heureux, comme il l’écrira.
En 1886, paraît L’Etrange cas du Docteur Jekyll et de Mister Hyde, récit mêlant angoisse et fantastique. Un médecin tente de résorber sa double personnalité, en triant le bon grain de l’ivraie grâce à une potion magique. Mais n’étant pas au point, elle laisse enfler les mauvais penchants du brave docteur qui se mue, plus souvent qu’à son tour, en Edward Hyde, un atroce criminel. Jusqu’à étouffer toute parcelle d’humanité chez celui qui a pourtant mission de secourir ses semblables. Combat éternel du bien et du mal, du vice et de la vertu, au centre du sentiment de culpabilité occidentale.
L’un des descendants de Jekyll-Hyde est le Joker apparu, en 1940, dans le premier numéro de Batman dessiné par Bob Kane. Tombé dans une cuve de déchets chimiques, il en ressort défiguré, avec deux cicatrices qui prolongeront sa bouche d’une oreille à l’autre. Il en fera le symbole de son exécration du genre humain en la rehaussant de rouge à lèvres pour mener le combat du mal contre le bien, incarné par son meilleur ennemi, l’homme chauve-souris. Il est symptomatique que les identitaires américains du mouvement Tea Party aient cru déceler Barak Obama sous le masque du sinistre clown blanc qu’est le Joker. Ainsi reproduit sur leurs tee-shirts, il révèle la dangereuse dualité du président. Doux et gentil à l’extérieur, odieux et sournois à l’intérieur. Elégant, instruit, brillant, bien sous tout rapport. Mais démocrate et libéral : l’incarnation du mal américain absolu. Dr. Jekyll et Mr Hyde.
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